| ACTUALITE |
15.01.2002
Interview de Roger Milla par Charles Ndongo
Charles NDONGO : Roger MILLA comment vous portez-vous en ce début d’année 2002 ?
Roger MILLA : Ca va assez bien.
C.N. : Alors Roger Milla, footballeur retraité ou diplomate en herbe ?
R.M. : La réponse n’est pas évidente. Mais, même avec mon titre d’Ambassadeur intinérant et d’Ambassadeur de l’ONUSIDA, mon cœur bat toujours pour le sport, le football. Pour le moment, je crois qu’il faut continuer comme ancien footballeur.
C.N. : vous êtes toujours en jambes ? si on vous lançait aujourd’hui un nouveau défi, en l’occurrence aller à la coupe du monde Corée-Japon, vous seriez prêt à le relever ?
R.M. : C’est difficile, ça fait 8 à 9 ans que je n’ai pas touché au ballon, pas fait de footing véritable. Même s’il est vrai que je fais de temps en temps de la musculation, du tennis, cela ne peut remplacer le footing qui apporte au sportif calcium et puissance.
C.N. : On peut donc considérer que Roger MILLA a définitivement tourné la page du footballeur …
R.M. : Définitivement. C’est vrai, je peux jouer les matches de gala et participer aux rencontres humanitaires. L’année dernière, j’ai participé pendant quatre jours à la coupe des princes organisée par Jean-Pierre PAPIN en France. On était tous là, anciens joueurs professionnels de clubs français, et c’est nous qui avions gagné.
C.N. : Et vous avez marqué ?
R.M. : J’ai marqué le premier but de la finale.
C.N. : Aujourd’hui vous êtes dans la diplomatie. Quand on vous appelle Excellence, vous sursautez ?
R.M. : Je commence à m’habituer. Au début, c’était drôle. Mais mes proches continuent de m’appeler Roger, Roger’s ou même KADHAFI. C’est un surnom que je dois à Jean-Paul AKONO.
C.N. : Ah bon ! A partir de quoi ?
R.M. : Du fait de ma nervosité, de mon caractère impulsif.
C.N. Il a la réputation d’être nerveux, KADHAFI ?
R.M. : Non mais c’est quelqu’un de bouillant. Ce n’est pas forcément négatif.
C.N. : Mais précisément parce que vous avez ce côté relativement impulsif, on vous dit très caractériel, ça sied avec la diplomatie ?
R.M. : Je commence à m’adapter au milieu, à ne plus répondre du tac au tac. J’ai bénéficié à cet égard des conseils de beaucoup de ministres que je côtoie. Ils m’ont d’une certaine façon initié, et donné la direction à suivre. Je prends mes marques.(…)
C.N. : Roger MILLA le diplomate, gagne-t-il plus que Roger MILLA le joueur ?
R.M. : Non le diplomate non. Comme joueur je suis arrivé à Valenciennes en 1977, je gagnais l’équivalent de 300 000 F CFA pendant deux ans, j’ai été transféré à Monaco en 80, après négociations, je suis passé à 500 000 F CFA. Transféré à Bastia une année plus tard, j’ai gardé le même salaire. Puis à Saint Etienne qui avait des problèmes de caisse, j’ai quand même négocié une hausse (20 000 FF la première année ; 30 000 FF la deuxième année ceci, avant la dévaluation du francs CFA). A Montpellier, j’ai gardé le même salaire. Quand on est monté en 1ère Division, mon salaire est passé à 50 000 FF. Avec une famille et toutes les autres contraintes, c’est un salaire insuffisant. Mais, j’ai essayé de faire vivre ma famille et chacun a pu profiter de ma gloire.
C.N. : L’argent dans le football, c’est une motivation ou un poison ?
R.M. : D’une part, c’est une motivation quand on veut faire des choses importantes : créer des sociétés, construire des maisons, aider la famille. D’autre part, ça pourrait être un poison si on le croit inépuisable. Georges FOREMAN, l’Allemand MILLER, mon ami Alain GIRESSE ont brassé des milliards. Mais aujourd’hui ils ont fait faillite. L’argent seul ne suffit pas, il faut encore savoir le placer. (…)
C.N. : Vous trouvez que le public camerounais est trop exigeant ?
R.M. : Il est exigeant, on le comprend. Le Cameroun est une grande nation de football. Mais ce que le public oublie, c’est que le Cameroun ne peut gagner tous les jours. Le Brésil ne gagne pas tous les jours, encore moins la France.
C.N. : Mais les Camerounais veulent perdre en sachant que toutes les conditions pour une victoire ont été réunies.
R.M. : Oui. Même avec toutes les conditions réunies, on peut avoir une surprise sur le terrain. Au stade, on est 11 contre 11. Les Camerounais doivent être patients et indulgents. On ne peut pas gagner tout le temps. Qui aurait pu imaginer que le Cameroun battrait l’Argentine, la Colombie, la Roumanie et tenir tête même à l’Angleterre. C’est ça le football.
C.N. : Ce qui s’est passé en 1990 peut-il encore se reproduire ? Vous ne pensez pas que l’effet de surprise n’est plus à notre portée ?
R.M. : L’effet de surprise n’est plus possible. Le Cameroun, grande nation de football, est déjà attendu. En 90, on n’était pas reconnu dans le monde, ce n’est plus le cas. Maintenant, ça ne peut être qu’une consécration pour un football qui a beaucoup progressé. Nos représentants à la CAN du Mali et à la coupe du monde sont au point. Si les détails administratifs sont réglés, nous pouvons attendre un succès. Je n’ai pas d’inquiétude.
C.N. : Que faut-il faire pour rééditer l’exploit de 1990 ?
R.M. : C’est tout simplement d’encourager nos jeunes footballeurs. Leur faire comprendre que le Cameroun a besoin de ces résultats. Que les médias comprennent que c’est le Cameroun qui est en compétition. Pas un individu, une faction ou une région. Que tout le monde parle le même langage. (…)
C.N. : La veille de chaque échéance, on dit que l’équipe du Cameroun n’est pas bien préparée. La critique est-elle fondée ?
R.M. : Ce n’est pas parce que l’équipe nationale fait un mois de stage et dix matches amicaux qu’elle va être en forme en compétition. Avec un bon entraîneur, deux semaines d’entraînement suffisent pour mettre les joueurs en bonne condition physique, leur donner une bonne technique et une bonne tactique de jeu.
C.N. : En 1984, vous êtes allés vous préparer à Kribi, et vous avez ramené la coupe d’Afrique des Nations.
R.M. : Voilà. Avec une bonne préparation physique, trois matches amicaux pour une équipe nationale suffisent. (…)
C.N. Et le Staff technique, sans aucune flatterie, comment le jugez-vous ?
R.M. : Je connaissais déjà l’entraîneur SCHAFFER, je l’avais vu en Europe, avec l’équipe de Nuremberg qui était en 4ème série en Allemagne. Faire monter cette équipe là en 3 années en 1ère Division et participer à une coupe européenne, ce n’est le hasard…
C.N. : Que diriez-vous de lui par rapport à tous ses prédécesseurs ? Qu’il est le meilleur ou l’un des meilleurs ?
R.M. : Il n’a pas encore fait de compétition pour qu’on dise qu’il est le meilleur. Il va falloir attendre voir la coupe d’Afrique. (…)
C.N. : Et comment entrevoyez- vous la coupe du monde ?
R.M. : Il faut déjà faire une bonne coupe d’Afrique des Nations. Si nous réussissons la CAN, nous avons un très bon calendrier en coupe du monde, nous pourrions arriver en demi-finale, si on n’a pas de blessure. C’est une équipe expérimentée. Ceux qui disent qu’elle est vieillissante n’ont pas raison. Les plus vieux ont entre 27 et 28 ans. Pour moi ce n’est pas vieux.
C.N. : Mais on dit que les âges des joueurs ne sont pas toujours fiables.
R.M. : C’est à eux mêmes de nous dire si leurs âges ne sont pas fiables. Mais comme l’a dit l’entraîneur SCHÄFFER ce n’est pas l’âge qui compte, mais le rendement sur le terrain. Si il ne tenait qu’à l’âge, je n’aurais pas fait une coupe du monde à 42 ans. Pour le moment, nos joueurs nous donnent satisfaction
Evidemment, il faut intégrer la jeunesse petit à petit, c’est le cas depuis quelques années. Quand on prend l’équipe nationale à l’heure actuelle, elle compte des gars comme OLEMBE , JOB, NDIEFI, ETO’O, DJEMBA DJEMBA, ETAME MAYER, EPALLE, KAMENI. C’est une équipe très jeune. Nous avons un bon vivier pour longtemps encore.
C.N. : Qu’est-ce qui fait gagner le Cameroun aujourd’hui ?
R.M. C’est d’abord cette envie de bien représenter notre pays. (…) C.N. : Qu’est-ce qui peut nous faire perdre ?
R.M. : Notre désordre ! Si on n’arrive pas à mettre une bonne ambiance dans notre équipe nationale, nous pouvons perdre.
C.N. : Cette ambiance y est pour le moment ?
R.M. : Elle y est pour le moment. (…)
C.N. : Et comment l’attaquant de race que vous êtes juge-t-il l’attaque camerounaise aujourd’hui ?
R.M. : Nous avons une bonne attaque. Avoir une bonne attaque ce n’est pas marquer 5,6, ou 7 buts au cours d’un match. Une attaque est là pour faire l’essentiel : marquer 2 ou 3 buts pour ne pas mettre sa défense en difficulté (…)
C.N. : Au Mali, quelle équipe est le plus à redouter pour le Cameroun ?
R.M. : En réalité toutes les équipes. Car le Cameroun est toujours faible devant les faibles et fort devant les forts. Il va falloir faire très attention face au Togo et à la République Démocratique du Congo que personne ne prend au sérieux. N’oubliez pas que ce sont ces deux équipes qui nous ont battus aux dernières Coupes des Nations (…) »
www.charlesndongo.org
|
|
| Hits: 1 | Source:Autres | |
|
|
|
|
|
| |
