| ACTUALITE |
19.04.2004
Coupe du monde : Affaire Fifa-Cameroun
Emmanuel Gustave Samnick
Le Cameroun éliminé ? Les voies de recours. La responsabilité du Minjes et de la Fécafoot. La réaction de Milla
Fifa-Cameroun La décennie tumultueuse
Très à cheval sur ses règlements, l`instance faîtière du football mondial a souvent eu maille à partir avec un pays champion de l`indiscipline.
Réunie à Zurich en Suisse le vendredi 16 avril 2004, la commission de discipline de la Fédération internationale de football association (Fifa) a décidé d`infliger une amende de 200.000 francs suisses (environ 80 millions de Fcfa) à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) et de retirer six points à l`équipe du Cameroun dans le cadre des éliminatoires couplées de la Coupe du monde et de la Coupe d`Afrique des nations 2006.
La faute des Lions indomptables? Avoir revêtu des maillots (en une pièce rattachée au short) non conformes à la loi n°4 des Lois du jeu de la Fifa. Bien plus, autorisée par la Caf de jouer avec cet équipement uniquement pendant le premier tour et invitée à se doter d`un maillot normal à partir du second tour, l`équipe du Cameroun a continué à jouer avec le fameux "Uni-Qt" de Puma lors du quart de finale perdu contre le Nigeria. La commission de discipline de la Fifa dit avoir ouvert une enquête le 13 février dernier sur ce non respect des lois de jeu par la Fécafoot et de son engagement pris vis-à-vis de la Fifa de ne plus revêtir cette tenue à partir du second tour de la Can 2004. La commission a finalement eu la main très lourde (qui prive d`office le Cameroun du prochain Mondial et peut-être de la prochaine Can) et son verdict arrive au plus mauvais moment, à la veille de l`élection d`un nouveau conseil d`administration de la Fécafoot et en pleine campagne pour la réélection de Paul Biya à la tête du pays.
Dans le présent dossier, nous revenons donc sur ce sujet brûlant d`actualité, en relatant l`histoire tumultueuse entre le Cameroun et la Fifa, les liaisons dangereuses Puma-Lions indomptables, celles non moins ambiguës entre le pouvoir de Yaoundé et le football national, la disproportion de la sanction de la Fifa et diverses réactions.
Depuis le 7 janvier 1999, on croyait la paix définitivement revenue dans la relations entre le Cameroun et la Fédération internationale de football association (Fifa). Ce jour là, le secrétaire général de la Fifa de l`époque, Michel Zen Ruffinen, adressait une lettre au Premier ministre camerounais pour lui signifier la levée de la suspension qui avait été décidé contre le Cameroun le 4 janvier de la même année. La veille, c`est-à-dire le 6 janvier 1999, le chef du gouvernement camerounais avait en effet fait amende honorable auprès du gouvernement du football mondial, en désavouant le ministre de la Jeunesse et des Sports, lequel avait dissout le 30 décembre 1998 les organes dirigeants de la Fécafoot et s`était par la suite opposé à la désignation par la Fifa du président de la Cellule exécutive provisoire (Cep) mise en place par Zurich pour résoudre une crise de gestion et des dissensions internes de la Fécafoot.
La trêve des hostilités entre l`instance faîtière du football mondial et l`une de ses associations membres les plus en vue aura duré exactement cinq années. Une période d`accalmie pendant laquelle le Cameroun aura eu le privilège de remporter deux coupes d`Afrique des nations (2000 et 2002), une médaille d`or olympique (2002), deux médailles d`or des jeux africains (1999 et 2003), une Coupe d`Afrique des nations cadets...
Depuis vendredi dernier donc, nous voici à nouveau en plein dans une nouvelle crise Fifa-Cameroun, sans doute la plus inattendue d`une longue série de couacs qui jalonnent et parfois empoisonnent les relations entre les deux structures depuis une décennie maintenant.
Si elle y est affiliée depuis 1962, c`est peu avant la Coupe du monde 1994 que la Fédération camerounaise de football entre véritablement dans une zone de turbulences avec la Fifa. Cette année là, notre pays reçoit des menaces de Zurich qui envisage même de remettre en cause la participation des Lions indomptables à la World Cup aux Etats-Unis. Motif : le ministère de la jeunesse et des Sports s`était ingérée dans les affaires internes de la Fécafoot, en contestant la légitimité du bureau dirigé par Maha Daher, élu au cours d`une assemblée générale extraordinaire de la Fécafoot organisée par une fraction dissidente de l`équipe de Pascal Baylon Owona. Le 6 mai 1994, le Pm du Cameroun, Simon Achidi Achu, envoie un télex au président de la Fifa dans lequel il tient à "rassurer la Fifa que le gouvernement ne s`est pas immiscé et ne s`immiscera jamais dans la gestion des affaires de la Fécafoot".
Le même jour, la Fifa, sous la plume de son secrétaire général qui s`appelait Joseph Sepp Blatter, prend acte de cette "position claire" du gouvernement camerounais et lève ses menaces de suspension de l`équipe du Cameroun à la World Cup.
Ce n`était que partie remise! Puisque la tutelle de la Fécafoot continue de mettre les bâtons dans les roues du bureau dirigé par Maha Daher. Le ministre de la Jeunesse et des Sports Joseph Marie Bipoun Woum a même nommé une Cellule provisoire de gestion (Cpg) dirigée par Emmanuel Mvé pour suppléer les organes réguliers de la Fécafoot. Le 11 octobre 1995, le secrétaire général de la Fifa écrit au ministre de la Jeunesse et des Sports et à la Fécafoot pour rappeler que "la Fifa ne reconnaît que l`administration dirigée par Maha Daher" et que si celle-ci "n`est pas réinstallée de manière effective (...) la Fécafoot sera suspendue à partir du 31 octobre 1995". L`inscription des Lions indomptables en vue des éliminatoires de la Coupe du monde 1998, faite par le Cpg mis en place par le Minjes, fut même rejetée par la Fifa. Et, c`est finalement Maha Daher qui convoqua le congrès extraordinaire de la Fécafoot du 17 novembre 1995, lequel se tint en présence d`un délégué Caf-Fifa, Vincent Monnier.
Le dernier mot à la Fifa
Le manège reprit pourtant au courant de l`année 1998. En général, les années de coupe du monde sont propices aux turbulences à la Fécafoot. Un premier rappel à l`ordre du secrétaire général de la Fifa, Michel Zen Ruffinen intervint le 28 juin 1998, s`inquiétant des interventions du Minjes dans les affaires internes de la Fécafoot, "notamment dans des dossiers à la Coupe du monde France 1998". Le 11 août, le Sg de la Fifa rappelait que de tels agissement sont contraires aux disposition statutaires de la Fifa et brandissait déjà la menace des sanctions. Il dépêcha ensuite à Yaoundé une délégation qu`il conduisait lui-même du 29 septembre au 1er octobre 1998. C`est au terme de cette mission qu`une Cellule exécutive provisoire (Cep) de 12 membres (huit désignés par la Fifa et quatre par le Minjes) fut mise en place le 16 octobre. Le ministre Joseph Owona tenta encore de résister : il sollicita une rencontre avec Sepp Blatter à Zurich le 23 novembre et proposa plutôt un "comité transitoire de gestion".
Dans sa réponse, le président de la Fifa dit au Minjes qu`il est prêt à le recevoir, mais que, "en tout état de cause, la Fifa ne reviendra pas sur sa décision du 16 octobre et vous prie de faire en sorte qu`aucun obstacle ne soit mis à la rapide exécution de celle-ci". Le 7 décembre, le Minjes n`avait toujours pas désigné les quatre membres de la société civile au sein de la Cep, et la Fifa confirma que celle-ci sera dirigée par M. Iya et qu`elle a latitude pour fonctionner avec les huit membres désignés par la Fifa. Ce refus d`appliquer le plan d`action de la Fifa par le ministre de tutelle amena le comité d`urgence de la Fifa à proposer la suspension de la Fécafoot le 23 décembre 1998 pour une période indéterminée. Sous la pression, Joseph Owona nomma le 29 décembre Ferdinand Koungou, Philippe Mbarga Mboa, Hamadou Evelé et Gilbert Kadji à la Cep. Cependant, il formulait encore des réserves sur la procédure du président et la durée du mandat de la Cep. Réaction très musclée de la Fifa le 4 janvier 1999 : suspension pour une durée indéterminée de la Fécafoot.
"La Fifa regrette vivement que, malgré ses nombreux efforts et la patience dont elle a fait preuve dans sa manière d`aborder le dossier camerounais, elle soit contrainte à prendre une telle décision", concluait le Sg Zen Ruffinen. Deux jours plus tard, c`est le premier ministre qui prit donc sa plume pour approuver san réserve le plan d`action défini par la mission Fifa/Caf. Et la Fifa a levé immédiatement sa mesure de suspension contre le Cameroun.
Ce désaveu cinglant du ministre de la Jeunesse et des Sports par sa hiérarchie devait conduire à une accalmie dans les relations Fifa-Cameroun. Une accalmie qui a duré tout de même cinq ans, la Fécafoot et sa tutelle ayant aussi de leur côté signé une paix des braves. C`est donc reparti avec les sanctions Fifa contre le Cameroun. Cette fois, il ne s`agit pas d`une ingérence coupable du Minjes dans les affaires internes de la Fécafoot, mais peut-être d`une co-gérance compliquée. La morale de l`histoire, c`est que le bras de fer avec l`ogre qu`est la Fifa n`a jamais été payant.
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