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15.06.2010
Chrono : Le cœur et le coach
Je vous conseille de revoir les images du match Ghana-Serbie, notamment le banc de touche des Black Stars après le but victorieux d’Asamoah Gyan sur penalty à la 85ème minute et davantage encore au coup de sifflet final de l’arbitre. Le camp ghanéen était naturellement dans la joie, sauf un homme : le sélectionneur Milovan Rajevac. Après le but de son avant-centre, l’homme est resté froid comme un glaçon, debout sur le poteau de son banc de touche. A la fin du match, il est devenu quasiment nerveux. Il a balancé la main d’un membre du staff qui venait le féliciter et s’est dirigé droit dans les vestiaires, tête baissée comme s’il venait de perdre le match.
Si vous êtes attentif, ces images troublantes ponctuant la première victoire africaine dans cette Coupe du monde de football 2010 ne vous ont pas échappé. Et si vous êtes encore plus curieux, vous comprendrez pourquoi. En fait, M. Rajevac, sélectionneur du Ghana, jouait contre son pays, la Serbie. Sa gêne était perceptible tout au long du match, mais il n’a pas pu ou su cacher son émotion dès la fin de la partie, qui consacrait pourtant le triomphe de l’équipe qui lui paye son salaire. Lors de la conférence de presse obligatoire (si ce n’était pas le cas, il ne serait sans doute jamais venu en salle d’interviewes) d’après match, il a tenté de s’expliquer : «Dans mon travail, c’est évidemment une grande victoire. Mais je suis désolé pour la Serbie qui est une bonne équipe, qui nous a posé beaucoup de problèmes, et que nous avons eu la chance de battre».
C’est sûr que le sélectionneur du Ghana a bien fait son job, en alignant la meilleure équipe possible sur le terrain. Mais dans son for intérieur, il n’imaginait pas qu’elle puisse remporter la mise face à son pays d’origine. A voir son attitude après le match, où il se permet même de mettre la victoire de l’équipe qu’il entraîne sur le compte de la chance, on peut déduire que Milovan Rajevac, s’il avait rêvé de ce scénario final, aurait fait quelque chose d’autre pour que son pays ne perde pas la face devant le Ghana. Maintenant, ce qui est fait est fait: son coach peut être content ou malheureux, le Ghana a remporté son match face à la Serbie ! Mais l’émotion affichée par le sélectionneur du Ghana dimanche après-midi dernier repose le problème de la nationalité des entraîneurs des sélections africaines.
Il est en effet très difficile de ne «faire que son job» quand on affronte son pays, avec une autre sélection. Le Russe Valeri Nepomniachi ne peut être accusé d’avoir ‘’vendu’’ le Cameroun à son pays en 1990 (0-4), puisqu’en honnête homme, il avait pris soin de laisser ses adjoint manager ce match là. Pour les autres, qui s’imaginent que l’argent du boulot peut étouffer les battements du cœur, la comédie peut durer jusqu’au jour où on craque comme Rajevac. Parmi les équipes européennes présentes en Afrique du Sud, seule l’Angleterre est entraînée par un étranger ; et parmi les équipes africaines, seule l’Algérie a un technicien national sur son banc. Il est temps de revoir cette habitude de sélectionneurs mercenaires, car nous sommes tous des hommes, et l’homme c’est aussi son cœur.
Par Emmanuel Gustave Samnick
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