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14.07.2004
La France a des comptes à solder au Kamerun*
La Grèce a éliminé la France en quart de finale de la Coupe d’Europe de football des nations au Portugal.
Cette défaite de la France peut surprendre si l’on se réfère au classement mondial des équipes nationales , par la Fifa. Mais elle était prévisible compte tenu de la forme actuelle de l’équipe de France des bons matches livrés par la Grèce lors du premier tour.
Ce match France-Grèce a été intensément suivi par les téléspectateurs kamerunais. Je me trouvais à Bépanda, un quartier populaire de Douala où j’ai suivi ce match en compagnie des habitants du quartier , en majorité des jeunes.
La France était systématiquement conspuée pendant les 93 minutes du match. Par contre , toutes les bonnes actions des Grecs étaient suivies de salves d’applaudissements des téléspectateurs de ce soir-là.
Manifestement , ils avaient choisi leur camp : à quelques rares exceptions , le public avait pris fait et cause pour la Grèce. Et tout le monde souhaitait la défaite de la France ; défaite qui fut saluée par un tonnerre d’applaudissements à la fin de la rencontre comme si c’était le Kamerun qui venait de battre la France.
J’entrepris donc de discuter avec ces jeunes pour cerner les raisons de ce parti-pris flagrant pour la Grèce, et à contrario , la haine manifestée contre la France.
En substance, cette haine ( appelons un chat , un chat ) contre la France se résume en ceci : “Nous n’aimons pas la France , parce qu’elle nous embête. “ Elle embête les Africains en général”.
Et pêle-mêle dans la discussion, on relevait : la colonisation, le racisme , les tracasseries dont les Africains sont victimes en France, les expulsions, le soutien au régime de Biya, le contrôle économique du pays ( en d’autres termes, la néo-colonisation ) le rôle de la France en Côte d’Ivoire, etc.
Ce qui m’a frappé dans ce jeune public, c’est la détermination qu’il affichait à “ en finir “ un jour, avec la France. Comment ? Cela était très diffus et brouillon, mais j’ai relevé cependant que presque tous étaient convaincus que la situation catastrophique du Kamerun était fondamentalement due à notre dépendance vis-à-vis de la France.
Sans aucun doute, le sentiment anti-français est fort dans le pays. Et il ne cesse de se renforcer. Il est évident que l’élite kamerunaise, en majorité francophone et francophile, a du mal à le percevoir. Je suis même persuadé que certains qualifieront ces remarques comme “des obscures intentions d’agitation et de déstabilisation “. Justement. Ceux qui vont s’offusquer ou même s’interroger, sont ceux-là même qui apprécient et jugent cette évocation du sentiment anti-français selon des critères partisans ou entachés d’arrières pensées politiques. Mais ce n’est pas en installant le mensonge et la duplicité que la coopération et l’amitié franco-kamerunaise vont se renforcer.
Je suis un patriote kamerunais, préoccupé par l’avenir du Kamerun et de l’Afrique. Et j’affirme qu’il ne faut pas cacher la vérité, ce serait un crime ; il n’y a aucun principe supérieur qui peut justifier un tel mensonge.
Il est de notre responsabilité de préférer la vérité et le courage à la démagogie et au “ politiquement correct. “
La vérité est que la France a des comptes à solder en Afrique. Et cette question est et sera encore pendant longtemps un enjeu essentiel dans la vie politique, économique, sociale et culturelle au Kamerun.
Quelles que soient les passions auxquelles donnent lieu légitiment cette question, elle est une affaire sérieuse. Au journaliste qui lui posait la question, en octobre 2000, de savoir s’il ne redoudait pas le qualificatif d’anti-français, le camarade Ekanè a répondu :
« Cela ne m’émeut guère qu’on me le dise. Si l’on veut que les Africains soient sans mémoire et sans principes, alors nous sommes anti-français. Mais si le choix de la vérité passe par la reconnaissance des souffrances qu’on a infligées à nos peuples, alors la France doit s’amender. Ce que je remarque, c’est qu’elle n’a pas du tout envie de changer la manière avec laquelle elle traite les Africains. Les spectacles des consulats français en Afrique, comme par exemple au Kamerun, sont tout simplement affligeant. Pour obtenir un visa, la France exige que les Kamerunais se lèvent au petit matin, souvent sous la pluie, pour s’aligner devant une petite porte. Voyez-vous , on ne peut en même temps parler d’une amitié séculaire entre nos deux peuples, et traiter les Kamerunais avec autant de mépris. Tout ce mépris ne peut que développer le sentiment anti-français au sein des Kamerunais. »
« Le sentiment anti-français est fort chez nos compatriotes. Et il va se développer tant que la France n’aura pas soldé ses comptes avec l’Afrique , tant que nos pays seront encore dirigés par des pouvoirs francophiles ou assujettis à la France. Ce ne sont pas des incantations, ni des appels au meurtre. C’est la réalité en Afrque. »
« La mémoire des Africains victimes de la colonisation et la néo-colonisation françaises doit vivre.
Et avant tout dans la vie des vivants. »
La situation n’a guère évolué. Bien au contraire, elle s’est considérablement dégradée.
Les entreprises ou groupes financiers français ont racheté l’écrasante majorité des sociétés nationales kamerunaises privatisées. Le groupe Bolloré a confisqué le secteur du transport au Kamerun et ne compte pas s’arrêter là.
Les Kamerunais, toutes catégories sociales confondues, qui ont eu à se rendre dans les représentations consulaires françaises, ont été plus ou moins victimes des pratiques moyenâgeuses, méprisantes, et pour tout dire, racistes du personnel de ces consulats.
Il est donc de la responsabilité des patriotes kamerunais, d’«aider» la France à régler ces comptes au Kamerun et en Afrique.
Au Manidem, nous nous y employons.
Valentin DONGMO Fils
3è Vice Président du Manidem
Tél. 957 67 92
* Nom donné au Cameroun par certains partis politiques dont le Maniem.
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