| ACTUALITE |
03.03.2003
Rigobert SONG en Interview avec Africafoot.com
Africafoot.com : Bonjour Rigobert. Bouba Diop est nominé pour devenir le prochain Ballon d’OR Africain, dites-nous qui est Bouba et quels sont vos rapports avec lui…
Rigobert Song : Bouba Diop est tout simplement un garçon charmant avec qui j’aime rigoler. Sa nomination me ravit et me va droit au cœur, car il a montré une certaine générosité dans l’effort et aujourd’hui c’est tout cela qui paye. Il a prouvé qu’il avait les moyens et les qualités pour figurer parmi les meilleurs joueurs en Afrique et dans le monde. En fait je le découvre tous les jours. Vous savez que je ne suis arrivé que cette année à Lens et mon contact avec les autres Africains du club se renforce de jour en jour. Et puis, j’ai beaucoup de respect pour le personnage, car c’est un homme humble, calme, qui écoute beaucoup et qui est très simple… Et au sein du groupe, il rentre facilement dans le système et se fond dans le moule assez vite, c’est cela que j’aime aussi en lui, il a une facilité énorme à trouver ses marques. Il apporte énormément dans le jeu et c’est l’une des pièces importantes du groupe. Je peux dire aujourd’hui qu’au vu de ce que Bouba a démontré durant cette saison, comparé aux deux autres candidats qui sont Diouf et Mido, il mérite largement le titre de Ballon d’or africain. Et je dis cela en toute honnêteté, il faut arrêter de faire des choix médiatiques et vendeurs pour les médias afin que le titre de meilleur joueur du continent redevienne celui que l’on a connu dans le temps. Certains choix sont très contestables de nos jours, où est donc passé l’éthique dans tout cela ? Je ne suis pas là pour faire la morale ou vouloir changer le monde, mais je voulais le dire et vous m’avez donné l’occasion de le faire. Vous savez, Bouba a montré au mondial qu’il était parmi les grands joueurs de ce monde et il a confirmé son statut en début de saison au niveau de son club. Je dis donc que Bouba mérite de devenir le Ballon d’Or Africain, et je crois que cela ne choquera personne de le voir sur la première marche du podium… Au contraire !
Africafoot.com : Sur le plan de l’ambiance et de vos relations, nous constatons effectivement comme vous l’avez dit, qu’il est très respectueux. La preuve, il devait passer avant vous et s’était déjà installé, vous arrivez sur le coup et il vous cède sa place en disant, "Faîtes passer le grand frère avant moi..." Que suscite en vous ce geste de respect?
Rigobert Song : Je vous l’ai dit tout à l’heure, c’est un garçon simple, qui a dû recevoir une très bonne éducation et qui cultive le respect de l’autre. Que voulez-vous ? Il est comme cela, il a le cœur sur la main, comme on dit chez nous. Alors, je ne peux que lui retourner ce respect qu’il me doit, car cela doit aller dans les deux sens. Vous savez, parfois, je ne sais pas comment le qualifier tellement il est adorable ; bref, c’est Bouba, notre Bouba. J’aime beaucoup le chambrer dans les vestiaires pour mettre de l’ambiance, il s’appelle Papa Bouba Diop, moi je l’appelle Mama Bouba Diop, il éclate de rire et cela me fait plaisir de le voir dans cet état de gaîté contagieuse. En ce moment, il sort d’une longue blessure et il faut être fort dans sa tête pour revenir au top niveau ; mais sur ce plan, je lui fais confiance car c’est un garçon qui sait se fixer des objectifs et je crois qu’il les atteint presque toujours. Et en ce moment il a besoin d’une certaine attention et surtout de sortir de son état de blessé pour intégrer le groupe professionnel. Retrouver l’ambiance des vestiaires telle qu’il l’a laissée fait partie des ingrédients susceptibles de le remettre sur les rails. Il a besoin de motivation, je lui en donne à ma manière et je pense qu’il le comprend bien.
Africafoot.com : Justement, il paraît que ça chambre fort dans les vestiaires lors des retours de compétitions africaines, et Seydou Keita nous disait que depuis que la Côte d’Ivoire vous a infligé un sévère trois zéro à Châteauroux, ils se vengent tous les jours.
Rigobert Song : Oui, c’est vrai, mais cela reste toujours bon enfant. C’est vrai que j’aime bien chambrer, c’est dans ma nature et c’est une façon à moi de mettre de l’ambiance au sein du groupe. Et c’est vrai que c’est moi qui engage toujours le débat et qui suis toujours en avant au vu des résultats que nous avions avec le Cameroun, mais depuis ce match contre les Ivoiriens, je n’ai même plus le droit à la parole. C’est la règle du jeu dans les vestiaires, aujourd’hui c’est moi qui trinque en attendant les jours meilleurs, je dois l’accepter. Je souhaite qu’un match se présente vite pour que je puisse renverser la tendance et revenir en position de force comme d’habitude, dans ma position de N°1.
Africafoot.com : Effectivement, on constate que le groupe se porte bien et que vous reprenez le poste de meneur d’hommes qui vous va si bien. Pouvons-nous dire que c’est le fait de retrouver Joël Muller avec qui vous avez fais vos classes à Metz qui vous a redonné votre confiance ?
Rigobert Song : Déjà, je suis comme cela, c’est ma nature, j’aime gagner et perdre me rend de mauvaise humeur. Je ne le fais pas qu’ici à Lens ; partout où je suis passé, mon comportement a toujours été le même, cela n’a pas marché à certains moments parce que comme dans toutes les armées, il y a ceux qui sont faits pour commander et qui savent le faire en apportant le respect et du courage et puis certains qui commandent en réprimant, ou du moins en installant la peur. Moi, je fais partie de la première catégorie qui demande le respect mutuel et une cordiale entente du groupe, car une équipe n’est forte que si elle est soudée et solidaire, dans la victoire comme dans la défaite. A Lens, mes coéquipiers me font confiance, mes dirigeants aussi et je ne parle même pas du staff technique, alors comment voulez-vous que je ne me batte pas pour mériter cette attention particulière placée en moi ? Et là, personne n’a le droit de nous mettre dans l’embarras et tenter de venir gâcher cela. Ici, c’est toute une région qui vit avec le club, nous avons un formidable public qui nous pousse à dépasser notre fatigue et aller chercher le troisième souffle qui nous amènera à la victoire. Et à la fin des matches, ce public sait que nous avons tout donné dans la bataille et que parfois, il ne nous reste plus rien dans les réserves. C’est là, qu’au moment de la défaite, il ne nous en veut même pas. Dites-moi combien de publics de ce genre existent dans ce monde impitoyable du football actuel? Comme je suis quelqu’un qui aime toujours gagner, j’essaye de transmettre mon esprit de gagneur aux autres tout simplement. Il faut que je le démontre sur le terrain pour amener les autres à me suivre dans mon combat, nous devons nous battre jusqu’à la dernière minute et ne rien lâcher tant que la partie n’est pas terminée, c’est cela que je souhaite transmettre à mes camarades.
Africafoot.com : Vous avez évoqué, la dernière fois que nous nous sommes vus, qu’il est injuste de ne pas valoriser les défenseurs qui font pourtant un énorme travail en amont pour atteindre les filets adverses. Vous êtes-vous rendu à l’évidence, ou voulez-vous en reparler ?
Rigobert Song : Oui, on ne sait pas où se trouve le trophée du meilleur défenseur du continent ; vous verrez que l’on remettra des récompenses à tout le monde, sauf aux défenseurs. Et ce n’est pas juste, toute la famille du football du continent devrait être récompensée, tous ceux qui travaillent autour de ce sport devraient trouver une récompense à la fin de la saison, cela inciterait les gens à fournir plus d’efforts. Et c’est notre football qui en serait grandi. Mais nous n’allons pas refaire le monde, les choses sont faites ainsi et je crois que nous ne pouvons que déplorer cet état de fait. Le football se joue à onze, donc c’est onze joueurs qu’il faut récompenser et non un ou deux. Pour être meilleur attaquant, cela passe d’abord par la défense et surtout par un groupe. Je dirai que c’est un peu choquant, il faudrait revoir certaines pratiques. C’est pour cela que je me suis mis à monter pour marquer des buts, car seuls ceux qui pointent crèvent l’écran. Mais il faut aussi dire que ceux qui sont Ballon d’OR le méritent bien.
Africafoot.com : Alors, parmi les trois nominés, à savoir Bouba Diop, El Hadji Diouf et Mido, qui à vos yeux mérite le titre de BALLON D’OR AFRICAIN ?
Rigobert Song : Sans hésitation, je vous dirai que Mama Bouba Diop, pardon, Papa Bouba Diop, mérite largement le titre de meilleur joueur africain et Ballon d’or du continent, et je le dis au vu des résultats individuels et des qualités de chacun des candidats. Vous voyez, je suis tellement habitué à le chambrer que cela est venu tout seul. Sérieusement, ce garçon a démontré toutes ses qualités durant cette année et il était au top de sa forme en 2002. Ce n’est pas parce qu’il ne joue pas en ce moment que les votants vont oublier ce qu’il a abattu comme travail dans l’année. Il a été présent lors des grands évènements et tout le monde se rappelle ce but contre la France, qui a fait le tour de la planète, sa présence lors de la dernière CAN au Mali. C’est un garçon qui mérite ce trophée.
Africafoot.com : Le mot de la fin ?
Rigobert Song : J’espère qu’après avoir donné ce trophée aux attaquants l’année d’avant, ils descendront jusqu’à nous, en défense, pour équilibrer.
De notre envoyé spécial à LENS, Jacques Roux
|
|
| Hits: 1 | Source:Africafoot | |
|
|
|
|
|
| |
