ACTUALITE |
04.06.2004
L’incroyable incohérence des sélections .
Emmanuel Gustave Samnick
Chacune de nos équipes nationales de jeunes vit et meurt en solitaire, sans suivi.
Mardi dernier, lors du match de plaisance que les Lions indomptables ont joué contre Canon de Yaoundé, le capitaine Rigobert Song Bahanag, malgré un jeu à nouveau irréprochable, a été hué par une partie du public. Quand un spectateur de la tribune B, plus calme, a demandé à l’un de ces supporters excités qui revendiquaient le départ de Song de l’équipe nationale, "il doit partir, d’accord, mais pour être remplacé par qui ?", le pourfendeur de l’idole d’hier n’affichait plus le même enthousiasme à répondre. En fait, il n’avait pas de réponse à cette question. Après la débâcle de la Coupe du monde 2002, le même débat malsain sur la vieillesse de nos internationaux avait pourri l’atmosphère au Cameroun. Le ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque n’hésitant pas à réclamer publiquement le rajeunissement des effectifs ; ce qui poussa par exemple Raymond Kalla Nkongo, excédé, à prendre prématurément sa retraite internationale. Depuis deux saisons, Kalla est l’un des défenseurs les plus réguliers et les plus performants de la Bundesliga, à son âge…
Le vrai problème n’est donc pas que des individus s’éternisent à l’équipe nationale, comme s’ils y avaient acquis un "titre foncier", mais a-t-on préparé leur relève ? Toujours dans le brouhaha qui accompagna la désillusion de l’aventure nippo-coréenne en 2002, le ministère de la jeunesse et des sports (Minjes) créa une nouvelle sélection : les Lions indomptables A’, prétendument l’anti-chambre de l’équipe nationale fanion. A la veille de débuter les éliminatoires à hauts risques de la Coupe du monde et de la Coupe d’Afrique des nations 2006, qui peut nous dire où en est cette équipe nationale A’, quels sont ces éléments qui ont été appelés dans la colonie de 25 joueurs convoqués par le sélectionneur national en vue du match de dimanche prochain contre le Bénin? Les Lions indomptables A’, après avoir disputé un demi tournoi Cemac en fin d’année dernière, ont simplement disparu de la scène.
Instabilité
Même pour les sélections qui ont un semblant de vie continue, il y a un manque évident de suivi de leurs meilleurs éléments qui, en progressant, devraient logiquement rejoindre la sélection seniors fanion. Il y a les minimes, les cadets, les juniors et les espoirs, qui semblent vivre chacun dans un vase clos. A chaque étape, à chaque match, les entraîneurs nationaux battent le rappel des joueurs, généralement expatriés, même au niveau des sélections jeunes, dont ils sont seuls (avec leur tutelle) à connaître les états de service. Et à chaque fois, c’est un éternel recommencement, d’autant plus que l’instabilité des bancs de touche (exception faite de M. Schäfer, qui méritait pourtant le renvoi plus que d’autres) est devenue la règle de gouvernance au niveau du Minjes. La direction technique nationale, qui devait coordonner les activités techniques de toutes les sélections et tenir les fichiers des sélectionnables, est quasiment absente.
Nous avons retrouvé la photo de l’équipe-type (voir ci-dessus) qui disputa brillamment, sous la conduite de Martin Ndtoungou Mpilé, tous les matches éliminatoires ayant conduit le Cameroun à participer au tournoi de football des Jeux olympiques en 2000 à Sydney, dont il remporta finalement la médaille d’or historique. De tous les onze titulaires, seuls deux figurent sur la liste des 25 Lions indomptables convoqués en vue du match de dimanche prochain contre le Bénin : Patrice Abanda et Daniel Ngom Kome. Les autres ont disparu de la scène internationale : Seydou et Suffo seraient quelque part au Moyen-Orient ; Alnoudji, après trois ans en Turquie et en France, est revenu à son club formateur cette année, Coton Sport, où il tarde à se faire remarquer ; après une expérience foireuse en Europe, Bouli végétait aussi dans les rangs du Canon de Yaoundé l’année dernière,, en compagnie de Bekono, le gardien de buts ; Hamga, après la Can 2000, a atterrit dans la réserve du Fc Barcelone, et on n’en a plus jamais parlé, lui qu’on présentait comme le successeur de Wome Nlend ; Gaspard Aloma, capitaine de cette sélection prometteuse, se cherche à Coton Sport depuis la saison dernière. Quel beau gâchis!
Modeste M’bami, l’auteur du but victorieux contre le Brésil à Sydney 2000, en quart de finale, aurait pu rester aussi dans l’oubli, si un concours de circonstances ne l’avait pas mis sous la lumière de la Coupe des confédérations 2003, lui qui ne faisait même pas partie des 22 Lions de la Can 2002 au Mali. Parmi les héros de Sydney 2000, on recherche aussi en vain les traces de Serge Mimpo et Serge Branco. De temps à autre, Meyong Ze et Joël Epalle sont rappelés au bon souvenir des sélectionneurs, sans qu’on sente réellement qu’il y a un suivi des internationaux camerounais. Remontons plus loin pour demander ce que sont devenus les champions d’Afrique 1995 sous la houlette de Jean Manga Onguéne : Simo, Ntamack Mahop, Halidou, Tchango…
Bien entendu, tous les internationaux jeunes ne feront jamais une grande carrière internationale, mais le taux de déperdition est trop élevé au Cameroun plus qu’ailleurs. Les Zidane (France) ou Heinze (Argentine), qui débutent leur carrière internationale par la sélection A, sont des exceptions. Tous les autres grands noms du football (Maradona, Ronaldo, Ronaldinho, Henry, Maldini, Figo, Raul…) ont été repérés à des étapes inférieures. Le parfait exemple étant d’ailleurs Didier Deschamps, le capitaine des champions du monde français en 1998, qui a connu toutes les sélections des jeunes, depuis les minimes. Au Cameroun, on pourra toujours se consoler en disant que le brassard des Lions indomptables est tenu par un joueur qui est aussi passé par toutes ces étapes, Rigobert Song (avec quelques autres comme Wome et Kameni), même si cela ne diminuera pas, contre lui, les sifflets malveillants des supporters excités et sans mesure.
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