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12.01.2010
Chrono : Bouillabaisse angolaise
Quoi qu’ils en disent, les membres du comité exécutif de la Confédération africaine de football (Caf) doivent avoir quelque regret d’avoir confié, pour cette année, l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (Can) à l’Angola. Certains d’entre eux et d’autres officiels de la Caf ont effectué hier avec nous le voyage Luanda-Lubango par vol de la compagnie nationale aérienne angolaise Taag, dans lequel, parqués au forceps en classe économique –eux qui sont habitués à la première ou à la Business classe- ils n’ont cessé de fiasquer et de se plaindre. Au fond d’eux-mêmes, ils doivent partager notre conviction : la démocratie du football qui a présidé à l’attribution de l’organisation de la Can en une série de quatre éditions du coup (dans laquelle l’Angola, la Guinée équatoriale, le Gabon et la Libye ont bénéficié du précieux sésame) doit s’accompagner de plus de garanties encore.
Manifestement, le pays de José Dos Santos n’était pas encore prêt à accueillir, en ce moment du moins, la grande fête du football africain. Non qu’il n’en ait pas la capacité économique, mais la mentalité actuelle de sa population et un déphasage criard avec les habitudes de la haute compétition ne le prédisposent pas à faire mieux que la tristesse qui se dégage à tous les niveaux de la Can 2010. Les grands travaux (routes, aéroports, stades, quelques complexes hôteliers) ont bien été plus ou mois achevés. Mais un gros chantier est resté en suspens, celui de l’adaptation de l’état d’esprit des citoyens à un environnement marqué par un flux important d’étrangers dans le pays des Palancas Negras.
Tout est archi difficile pour le participant à la 27ème édition de la Can. Obtenir le visa d’entrée n’aura pas déjà été une partie de plaisir : les autorités consulaires ont, on ne sait trop pourquoi, obstinément refusé d’accorder des entrées multiples aux demandeurs de visa qui sollicitait ce service. Conséquence, certaines missions avancées n’ont pas pu être effectuées, notamment au sein de la délégation camerounaise, lesquelles auraient pourtant permis de déblayer le terrain pour les nombreux visiteurs avant le début de la compétition.
A son arrivée à l’aéroport international du 4 février de Luanda, le visiteur venu pour vivre la Can 2010 en direct se sent donc véritablement étranger. La rudesse et l’arrogance démonstrative des forces de police, la rareté de l’offre d’hébergement, l’apathie du service minimaliste d’accueil installé dans le hall par le Comité local d’organisation (Cocan), les péripéties rencontrées au centre des accréditations où une jeune volontaire installée sur l’unique ordinateur commis au traitement des dossiers de la presse étrangère ne pige pas le moindre mot de l’anglais… Ah, la barrière de la langue!
Que faire devant des personnes employées dans les hôtels ou des volontaires sélectionnés par le Cocan, mais qui ne s’expriment dans aucune langue étrangère en dehors du portugais ? De sorte que vous pouvez acheter une carte wifi à 35 dollars et être capables de l’installer dans votre Laptop pour usage Internet, sans espoir de trouver qui que ce soit pour vous venir en aide, alors que les dépliants sont déversés dans ce qui existe comme hôtels et dans les centres de presse vantant cet Internet haut débit de Angola Telcom.
Les deux numéros clients indiqués sur le propre site de la société de télécommunications sont inopérants : le premier sonne dans le vide, dans le deuxième une messagerie vocale indique que… ce numéro n’est pas attribué !
Tout cela finit par convaincre le visiteur qu’il n’est guère le bienvenu ici. D’ailleurs, il n’y a aucun enthousiasme populaire dans les villes qui accueillent les matches de la Can. C’est comme si c’était la Can du gouvernement, et non la Can de l’Angola. C’est la première fois que l’on voit une pareille Can atone, Sans une floraison de drapeaux du pays qui se vendent comme des bouts de pain, sans des concerts de klaxons dans les rues même quand le pays organisateur joue –quelques timides supporters des Palancas Negras ont commencé à s’agiter après le quatrième but contre l’Angola lundi et se sont vite assagis après le camouflet de l’égalisation malienne-.
A côté de la vie excessivement chère, qui doit être le fait d’une inflation bien orchestrée parce qu’on ne comprendrait pas autrement comment les 80% de pauvres Angolais vivraient dans leur propre pays, ces nombreux manquements ont le don d’énerver les visiteurs de l’Angola, après seulement deux journées de compétition. Espérons qu’au bout d’une semaine, nous allons finir par nous adapter à cette Can toute spéciale.
Par Emmanuel Gustave Samnick
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