| ACTUALITE |
10.04.2008
Contrôle des Lions Indomptables - Commission Roger Milla : 50 heures de travail pour rien
On a fait tellement de bruit autour de cette commission, que nous avons pensé qu’elle produirait les solutions géniales qui mettraient fin aux errances de notre équipe nationale de football. Mais à la lecture de son rapport, on a envie de dire “ tout ça pour ça ? ”.
Une mission viciée au départ
La mission assignée à la commission Milla était ambitieuse : examiner divers aspects relatifs à la préparation technique des Lions Indomptables pour la Can et la Coupe du monde 2010. En clair, notre fédé sonnait ainsi la fin de l’improvisation et de l’amateurisme qui ont toujours entouré la préparation des Lions aux grandes compétitions internationales. Pourtant, à y regarder de plus près, la mission confiée à cette commission pose au moins deux problèmes : primo, elle empiète sur les plates-bandes de la direction technique nationale chapeautée depuis quelques mois par Otto Pfister, par ailleurs sélectionneur national des Lions et des A’. Secundo, en s’arrogeant le droit de créer une telle commission, la Fécafoot se donne la haute main sur la gestion technique des Lions Indomptables, rôle qu’elle estime lui avoir été contesté par le ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep) en nommant un sélectionneur des Lions qu’elle n’a pas choisie (Otto Pfister justement). Avez-vous encore besoin d’explications ou vous avez compris que la commission Milla ne serait qu’une arme de plus utilisée par la fédé dans sa guerre contre le Minsep pour le leadership dans la maison “ Lions Indomptables ”. Avec des intensions belliqueuses aussi criardes, la création de la commission Milla portait en elle-même les germes de sa vacuité.
Une composition discutable
Et ce n’est pas sa composition qui allait garantir l’objectivité et la pertinence des travaux de la commission Milla. Roger Miller, son président, est certes une icône indiscutable du football mondial, mais ses analyses sur le football n’ont jamais été à la hauteur de son immense talent de joueur. Ce qui n’est pas une tare, puisqu’on ne peut pas être bon partout. On se souvient que son passage à la tête de la direction administrative aura été un échec. Malgré son statut de star planétaire du foot, ni la Caf, ni la Fifa ne l’ont souvent sollicité lorsqu’il s’agit de réfléchir sur le foot. Encore moins les médias pourtant avides de fortes personnalités du foot pour commenter les matches comme consultant. Ce n’est donc pas du grand “ Roger’s ” qu’on devrait attendre une conceptualisation exceptionnelle de la préparation des Lions. Difficile dans ces conditions, de ne pas penser qu’on s’est servi de lui comme bouclier anti-représailles du Minsep face à ce qui apparaît comme une provocation de plus. Dominique Wansi, le vice-président est depuis longtemps dans les hautes structures techniques de notre football national, sans jamais véritablement avoir marqué les esprits par des actes décisifs dans le sens du développement de ce foot. Personne ne nous fera donc croire qu’il vient d’être subitement habité par l’esprit du foot qui lui permet de voir ce qu’il n’a jamais vu depuis plusieurs années autour des Lions. Il est trop englué dans le système décrié pour qu’on attende que le changement vienne de lui. Michel Kaham, le secrétaire général de la commission Milla, après avoir été un joueur de haut niveau, a eu l’occasion de démontrer au Cameroun qu’il est devenu un bon technicien. Il a cependant connu des passages relativement transparents dans le staff technique des Lions, confirmant ainsi sa personnalité lisse, du type qui n’aime pas les histoires. Ce n’est donc pas le genre à donner un coup de pied dans la fourmilière, ou à défendre bec et ongles ses points de vue dans une commission formatée pour ne pas écorcher la Fécafoot. Quant à Jules Frédéric Nyongha et Jean Manga Onguéné, ils sont depuis trop longtemps dans le sillage des Lions sans rien proposer de révolutionnaire pouvant booster la gestion technique de cette équipe, pour qu’on attende d’eux des analyses et des propositions d’envergure. En plus, que Nyongha ait accepté une telle nomination de la Fécafoot qui l’a snobé quand il fallait choisir un sélectionneur (alors qu’il assurait l’intérim à ce poste), est une indication claire qu’il est un bon PTT (Petit Travailleur Tranquille) qui ne fait que ce qu’on lui demande, sans plus. Quant à Martin Ndtoungou Mpilé, entraîneur des Lions Espoirs qu’il doit conduire aux Jeux olympiques, comment voulez-vous qu’il se mouille avant cette échéance ? Tout ceci peut s’apparenter à des préjugés défavorables et à des procès d’intention gratuits, ce que la pertinence de la copie remise par la commission devrait confirmer.
Problématique hors sujet
Hélas, dès la lecture de l’introduction du rapport de la commission Milla, on commence à déchanter. “ La question fondamentale qui se pose est savoir si nous avons aujourd`hui l`équipe capable de gagner la Can en 2010 et nous projeter au-delà de nos acquis antérieurs en Coupe du monde 2010! ”, écrivent nos spécialistes ès Lions Indomptables. Remarquez qu’on ne s’est jamais posé cette question avant de gagner les Can de 1984, 1988, 2000 et 2002. Par contre, en allant au mondial Corée-Japon, on se fixait l’objectif des demi-finales au moins, avec l’équipe que nous avions, mais…C’est dire qu’avec les aléas qui peuvent jalonner 2 années de préparation d’une équipe, ajoutés à la glorieuse incertitude du sport, il ne s’agit pas là d’une question fondamentale. Deux ans avant la dernière coupe du monde, les Français ne connaissaient pas Frank Ribéry qui a pourtant été déterminant dans son parcours. Non, la question fondamentale c’est “ est-ce que nous avons des techniciens compétents à la tête des Lions, qui disposent de tous les moyens nécessaires pour bien travailler et qui nous proposent un plan de préparation pertinent et efficace ? ”. Quand le postulat est ainsi raté, la suite coule de source.
C’est ainsi que dans ce que la commission Milla a appelé “ I- Etat des lieux : A- Analyse technique : 1- Sur le plan individuel ”, après une énumération de “ quelques individualités de classe mondiale ” que sont Eto`o, Gérémi, Song, Kameni, et “ deux jeunes révélations de la Can 2008 ” Alexandre Song et Stéphane Mbia, et aussi “ les réguliers de la D1 en Europe ” en les personnes de Makoun, Mbami, Epalle, Job, Achille Webo, Douala, Ngom Kome etc., on peut lire “ nous pouvons affirmer que notre effectif est riche, mais un peu vieillissant ”. Et c’est une commission présidée par Milla qui a été en _ de finales du mondial 1990 à 38 ans, dans une équipe composée de pré- retraités comme Nkono, Kundé, Mfédé, Ndip Akem, etc. qui fait une telle affirmation ? Y a-t-il désormais une limite d’âge chez les seniors ? Comment peut-on qualifier de vieillissante une équipe dans laquelle les plus âgés (Song, Njitap) ont 32 ans de moyenne ? A moins que nos spécialistes ne soient en train de nous révéler, ainsi qu’au reste du monde, que les âges de nos internationaux sont truqués, ce qui est grave pour la morale du sport ! “ Alors, il faut au plus vite leur trouver des joueurs de rechange compétitifs, la Coupe du monde se jouant dans deux ans ”, conclut l’équipe de réflexion de Milla sur ce point. Van Basten, sélectionneur des Pays Bas a eu ce type de raisonnement étroit, il a jeté les Seedorf et Van Neestelroy à la poubelle, et on a vu son fiasco à la dernière coupe du monde. Mais dites, quand le Cameroun a-t-il déjà eu des problèmes de relève ? A peine Milla finissait sa carrière qu’Omam était là, puis Mboma, puis Eto’o. Nlend Paul puis Doumbè Léa, puis Kundé, Kalla, Métomo, Bikey. Nkono puis Songo’o, Alioum Boukar, Kameni et Tignyemb arrive. Il s’agit là d’un faux problème que des techniciens du foot au Cameroun ne devraient pas poser. Prendre le temps pour bien préparer une équipe nationale seniors n’a jamais changé le principe de sélection en son sein : il faut être le meilleur à son poste au moment de composer l’équipe, et pouvoir satisfaire les choix tactiques du sélectionneur en place. C’est tout. L’âge n’a rien à y voir. Sinon, nous ne serions pas allés en 1994 à la World Cup avec un papy de 42 ans.
Une argumentation simpliste
L’analyse du jeu collectif des Lions de la Can 2008 faite par la commission Milla est d’une légèreté déconcertante. “ Notre côté gauche est inexistant… Tout se passe toujours à droite par des centres de Gérémi, donc facile à contrer par l`adversaire ” : ainsi donc, en football, lorsque les centres viennent de la droite, ils sont plus facilement contrés que s’ils viennent de la gauche ? A propos, qui Jules Nyongha (membre de la commission) utilisait-il sur le flanc gauche quand il assurait l’intérim ? N’est-ce pas le même Idrissou qui était à la Can ? A cette époque-là, il ne voyait pas que notre côté gauche était inexistant ? “ Nous devons prendre en compte le fait que nos adversaires en Coupe du monde seront au moins au niveau de l`Egypte pour ce qui est des plus faibles ” poursuit le rapport. Tremblez, chers Lions, vous allez voir l’Egypte partout lors de la prochaine coupe du monde. Donc l’Egypte est devenue la référence en Afrique ? Quelle est sa position dans le classement Fifa ? Pourquoi ne pas alors programmer un match amical par mois contre l’Egypte jusqu’à la coupe du monde pour se prémunir des mauvaises surprises ?
“ Le constat sur l`utilisation de Samuel Eto`o nous amène à penser que pour un rendement optimal, il faille trouver un partenaire idéal en attaque ” ; quelle découverte ! Et où le trouve-t-on, ce partenaire idéal ? On devrait aller emprunter au Barça ? Ou alors Mboma devrait-il voir Milla pour avoir un tuyau sur le retour en équipe nationale après la retraite. Franchement, avions-nous besoin d’une commission pour constater que Eto’o a du mal à s’exprimer au top dans les Lions ? Mais est-ce vraiment un problème de partenaire idéal ? Ne serait-ce pas plutôt lié à l’état d’esprit personnel du joueur et au système de jeu ultra défensif des Lions (8 joueurs à vocation défensive sont souvent alignés)? Faut-il croire que Larsson, Ronaldinho, Messi, Gudjonsen, Henry, et tous les petits nouveaux sont tous des “ partenaires idéaux ” pour Eto’o pour qu’il soit toujours aussi performant au Barça ?
“ Les remplaçants en défense sont transparents, aucun joueur sur le banc ne pouvant suppléer valablement les titulaires ” ; c’est terrible d’affirmer ça en parlant de la Can 2008 où on a vu un bon Binya en latéral droit, où Tchato a valablement remplacé Bikey suspendu en finale (le but encaissé étant offert à l’adversaire par un titulaire irremplaçable). Certains de ces remplaçants étaient pourtant des titulaires dans l’équipe de Jules Nyongha, ce qui veut dire qu’il négligeait tellement nos adversaires de la qualification pour la Can 2008 qu’il leur opposait des “ mouilleurs ”. Grave !
Commission Lapalisse
La suite de l’analyse technique faite par la commission est une litanie de lieux communs du football dans le genre “ il faut donc tenir compte dans le choix des défenseurs centraux, du respect de la complémentarité ”, ou encore “ nous avons les moyens de jouer mieux que ce que nous avons montré ”. Si c’était pour dire ça, on aurait tiré au sort n’importe quel Camerounais pour faire partie de la commission !
Parlant du poste de gardien de but, nos experts rangent au rang de faire-valoir les Souleymanou et autres Mbarga du Canon, ou Tignyemb des Espoirs, puisqu’ils déclarent que “ le fait (pour Kameni) de n`avoir pas de concurrence imposante à ce poste amenuise la motivation et le dépassement de soi ”. Donc tous ces grands entraîneurs de dimension mondiale qui disent que le poste de gardien de but nécessite de la sérénité que ne procure pas une concurrence vive, ont tout faux !
On touche vraiment le fond des incongruités dans les analyses de la commission Milla lorsqu’on lit dans son rapport que “ nous condamnons toute attitude dans l`encadrement technique qui se confondrait au maraboutage ” car “ il serait dangereux et suicidaire pour les Lions d`accorder au plus haut niveau de l`encadrement technique des considérations affichées d`un pouvoir occulte sur le rendement et le choix des joueurs ”. Là, convenez avec nous que c’est n’importe quoi. On est au niveau des bambins du quartier. Pfister aurait-il fait appel à des marabouts lors de la Can 2008 ? Et puis, si ces marabouts nous garantissent une place en finale à chaque fois, pourquoi s’en priver ? Le maraboutage n’est pas révélé par les tests anti-dopage, pardi ! Lequel de ceux qui écrivent ça peut lever le doigt pour dire qu’il n’a jamais participé à des opérations de “ maraboutage ” dans les milieux du foot au Cameroun ? Non, sérieusement, quand est-ce que les Lions de la Can 2008 ont délaissé une séance d’entraînement pour une séance de vaudou ? Les journalistes nous auraient caché ça ?
Des recommandations réchauffées
Quant aux recommandations, elles ressemblent tellement aux méthodes déjà appliquées par Jules Nyongha (sans efficacité prouvée), que nous avons l’impression que c’est à lui qu’est revenue la tâche de rédiger cette partie. Lisez vous-même : “ convoquer au Cameron tous ceux qui n`ont jamais été retenus en sélection nationale pendant la période de l`Euro en juin 2008 pour un tournoi de sélection ” ; il l’avait fait, sans finalement retenir personne de ce regroupement. “ La veille de toutes les rencontres internationales de l`équipe nationale, un match mettra aux prises l`équipe réserve à une sélection locale ou étrangère dans le but d`une évaluation ” ; si vous faites ça la veille d’une rencontre internationale, vous aurez des joueurs fatigués. Pfister l’a fait, mais quelques jours quand même avant les matches officiels, et on a estimé que nous étions mal préparés. “ Afin de suivre régulièrement et de façon permanente les actions ci-dessus, la mise sur pied d`une commission permanente d`experts est indispensable afin de contrôler la feuille de route technique ainsi arrêtée” ; on n’y a pas pensé pour Artur Jorge ou Arie Haan, Pfister doit avoir droit à un collège de “ chefs ”. Du moment où il n’a pas été choisi par la fédé, il bénéficie ainsi de la présomption d’incompétence. Kaham avait fait partie d’un collège d’entraîneurs, et si les résultats avaient été probants, on aurait certainement reconduit la formule.
Et pour finir, l’ambassadeur itinérant ne pouvait pas commettre le crime de lèse-président de ne pas utiliser une de ses expressions (on ne sait jamais). D’où la proposition “ susciter une concurrence saine et loyale parmi les joueurs et veiller qu`elle ne soit bafouée par des "apprentis sorciers" ”. Fru Ndi lorgnerait-il du côté des Lions indomptables aussi ? Il fallait un peu d’humour dans ce rapport, n’est-ce pas.
Dire que des personnalités du foot de cette carrure ont passé 50 heures (c’est leur rapport qui le précise) pour produire un rapport aussi simpliste, est une insulte à l’intelligence des Camerounais. Mais cela confirme, s’il en était encore besoin, le niveau en rase-motte des débats au sein de la Fécafoot. Si les membres de cette commission avaient vraiment voulu aider les Lions Indomptables, ils auraient dit à la Fécafoot qu’un tel travail aurait dû être fait avant le recrutement du sélectionneur, afin d’en insérer les conclusions les plus pertinentes dans son cahier de charges. Aujourd’hui, cela ne peut participer qu’à la déstabilisation de l’équipe, par la fragilisation (et même l’humiliation) du staff technique. Tout ça parce que des individus ne réussissent toujours pas à digérer que le Minsep n’ait pas nommé “ leur ” entraîneur. Quand on prend sur soi de se moquer de tout un peuple, on attrape la malédiction, et aucune de ses forfaitures ne peut plus être masquée. Dommage qu’une icône comme Roger Milla accepte de se prêter à une telle mascarade. Mais il a tellement fait honneur à l’Afrique et au Cameroun, qu’à lui, nous pardonnons ce type de glissades.
Par Charles Mongue chmongue@yahoo.fr
|
|
| Hits: 1 | Source:lemessager.net | |
|
|
|
|
|
| |
