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04.04.2006
Kalkaba Malboum : "L’argent destiné au sport n’est pas toujours utilisé à cette fin"
Interview réalisée par TCHE Irene MORIKANG & Louis MATEA
L’avis du Colonel Kalkaba Malboum, Président du CNOSC.
Quelle appréciation faites-vous de la participation du Cameroun aux 18e Jeux du Commonwealth?
La participation camerounaise a été globalement positive. Tout d’abord, en tant que membre de la grande famille du Commonwealth, notre pays se devait d’être présent à cette grande manifestation sportive et culturelle. S’agissant particulièrement de la participation camerounaise aux Jeux de Melbourne, nous pouvons, en la comparant aux autres éditions de Kuala Lumpur et de Manchester, dire qu’elle a été moins fructueuse. Néanmoins, nous avons pu tirer notre épingle du jeu en engrangeant trois médailles dont une en argent et deux en bronze.
On a parlé de l’impréparation de certaines athlètes. Qui doit s’assurer de la préparation des athlètes devant représenter le Cameroun aux compétitions internationales ?
La préparation d’un athlète est l’élément moteur pour déterminer sa participation à une compétition. Une bonne préparation comprend : les entraînements, le suivi médical, la diététique et les compétitions préparatoires. Tout le monde est par conséquent impliqué dans ce processus, sans exception : l’athlète qui doit se rendre disponible afin de s’apprêter pour l’échéance escomptée; les entraîneurs qui élaborent les programmes d’entraînement en tenant compte des lacunes et des progrès de l’athlète; la fédération qui arrête un calendrier d’activités devant prendre en compte les échéances internationales, les période de regroupement pour aguerrir les sportif; l’Etat qui débloque les moyens nécessaires pour financer les différentes phases de préparation, le CNOSC qui veille à l’éducation olympique et octroie des bourses aux sportifs en vue de leur préparation dans des centres d’entraînement de haut niveau. En outre, s’agissant des grandes échéances continentales, régionales et mondiales, il y a un suivi qui doit être mis en place de manière collégiale, impliquant les différents acteurs (Etat, CNOSC, Fédérations, Entraîneurs, Athlètes). Ce processus est incontournable; c’est par là que nous pouvons nous assurer de la forme de nos sportifs, au lieu de nous contenter des déclarations toujours optimistes des responsables des fédérations. Une performance se prépare longtemps à l’avance et le fait de ne pouvoir la prévoir est un handicap.
Mais malgré les multiples participations du Cameroun aux compétitions internationales, les mêmes problèmes sont soulevés chaque fois qu’une délégation officielle se prépare à quitter le pays pour remplir des obligations internationales à savoir, le déblocage tardif des fonds. A votre avis, qu’est-ce qui doit être fait pour résoudre cet éternel problème ?
C’est dommage que nous ne soyons pas, malgré notre label de grande nation sportive, en mesure de respecter une programmation rigoureuse. Plus d’une fois, nos délégations sont arrivées en retard à des compétitions connues longtemps à l’avance sans qu’il soit aisé de comprendre les raisons d’un tel décalage. Il y a un calendrier international qui s’élabore tous les quatre ans, voire tous les huit ans et dont on connaît l’importance pour le Cameroun. A titre d’exemple, nous savons qu’en 2012 il y aura les Jeux Olympiques à Londres et q’en 2010 l’Afrique du Sud organisera la Coupe du Monde de football. Les Jeux Olympiques de Beijing auront lieu en 2008 ainsi que la Coupe d’Afrique des nations de football au Ghana. Alger accueillera les Jeux africains en 2007 et la prochaine édition des Jeux du Commonwealth aura lieu à New Delhi (Inde) en 2010. Tous ces exemples montrent à suffisance que nous ne devrons pas être surpris par quelque événement que ce soit. Peut-être s’agit-il davantage de manque de concertation, de coordination et de planification de toutes les actions qui concourent au succès de notre participation.
Il y a un véritable effort à faire de ce côté pour que les fonds alloués à une compétition soient disponibles à temps sans qu’il soit nécessaire d’engager chaque fois un parcours du combattant là où tout le monde est censé savoir ce qui va se passer, quand cela va se passer et quelle en est l’incidence financière. L’idéal serait, à mon humble avis, le vote annuel d’un budget unique prenant en compte tous les engagements du Cameroun sur le plan international, le déblocage des fonds se faisant ainsi au fur et à mesure des échéances. Ce système aurait l’avantage d’alléger les procédures et de quitter la zone non maîtrisée des budgets spéciaux. Une concertation Etat - Mouvement sportif pourrait s’engager pour déterminer une fois pour toutes les modalités pratiques du financement des compétitions sportives.
Au-delà du financement des compétitions sportives, il importe que l’Etat puisse déterminer un niveau de soutien qu’il est à même d’accorder, selon les moyens disponibles, au mouvement sportif dans son ensemble, comme cela se fait dans le cadre du soutien à l’enseignement privé, aux formations hospitalières privées ou à la communication privée.
En effet, la loi n°96/09 du 5 août 1996 fixant charte des activités physiques et sportives a été, sur le plan doctrinal, élaborée dans le cadre de la libéralisation et de la démocratisation des institutions de notre pays qui s’opposent au dirigisme et privilégient l’élection à la nomination. Cette loi consacre l’esprit de la libre entreprise et confère à l’Etat la mission de contrôle et de soutien.
Malheureusement, dans le contexte actuel, nous observons que l’Etat veut à la fois assurer la gestion et le contrôle, ce qui est manifestement inconciliable. La conséquence d’une telle situation est que l’argent destiné au sport n’est pas toujours utilisé à cette fin.
Nous pensons qu’une large concertation menée dans un esprit d’équité et de bonne foi est indispensable pour que les rôles des uns et des autres soient clairement reconnus et respectés conformément aux lois et règlements nationaux et internationaux.
Neuf athlètes ont refusé de rentrer au Cameroun après les Jeux de Melbourne et ce n’est pas la première fois que des athlètes camerounais quittent ainsi les délégations officielles. Quelle interprétation faites-vous de ce comportement ?
C’est un comportement irresponsable, absolument condamnable. Il y a des voies normales et officielles pour un athlète de haut niveau qui veut s’expatrier. Mais le spectacle récurrent d’athlètes qui font défection n’honore pas notre pays car l’impression que donnent ces fuyards semble aller dans le sens qu’il existe soit un laxisme, soit une complicité de la part des responsables, or, il n’en est strictement rien. Il se trouve tout simplement que beaucoup de sportifs, attirés par les espoirs d’une vie meilleure à l’étranger, décident de gâcher leurs chances de carrière sportive pour un avenir des plus incertains.
Dites-vous bien qu’un sportif qui fait défection dans ces conditions devient automatiquement hors la loi puisqu’il enfreint les règles sur l’immigration. De plus, l’expérience a montré que depuis quatre ans, tous les sportifs qui sont restés à l’étranger vivent dans l’illégalité, incapables de régulariser leurs papiers et, par conséquent de s’entraîner régulièrement, or la plupart d’entre eux et c’est malheureux de le dire ne disposent pas d’un bon niveau intellectuel leur permettant de s’épanouir dans les pays où ils ont choisi de résider. Ils auraient mieux gagné à poursuivre une carrière sportive sure en restant au pays, qu’à tenter une aventure qui risque de s’achever dans les pires déboires. Nous pensons qu’en sensibilisant et en éduquant, nous pourrions atténuer ce phénomène qui nous discrédite aux yeux des pays amis. L’immigration en elle-même n’est pas une mauvaise chose lorsqu’elle est régulière, mais nous ne saurions ni tolérer, ni cautionner l’immigration clandestine entretenue sous le couvert des déplacements sportifs à l’étranger.
Mais plusieurs athlètes se plaignent de ne pas être véritablement pris en considération. Certains d’entre eux ont même refusé de porter les couleurs nationales. En votre qualité de président du Comité national olympique, que faites-vous pour vous assurer que les athlètes d’élite jouissent d’une considération adéquate ?
Il se pose à l’heure actuelle au Cameroun le problème de statut des acteurs du mouvement sportif, au premier rang desquels se trouve l’athlète. Les plaintes de certains d’entre eux sont dès lors d’autant plus pertinentes qu’il n’existe pas encore de plateforme à partir de laquelle responsables et sportifs peuvent s’entendre en termes de droits et de devoir des uns et des autres. Certes en ce qui concerne le football, on parle d’un règlement intérieur qui dégage ces différents points, mais l’ensemble du mouvement sportif n’est pas concerné. Il s’agit par conséquent, par rapport aux attentes de la nation, aux réalités environnementales du sport moderne et à la situation socio-économique de la plus grande part de nos sportifs, de trouver des solutions satisfaisantes tant pour ces jeunes qui, très souvent ont tout sacrifié pour l’honneur des couleurs nationales et les moyens susceptibles d’être mobilisés en leur faveur. Le CNOSC, conscient de son rôle de coordinateur du mouvement sportif national au côté de l’Etat, multiplie des initiatives concrètes pour que les sportifs camerounais représentent dignement le Cameroun, sans complexe d’infériorité vis-à-vis des autres concurrents.
Maintenant, vous parlez de quelques défections de dernière minute survenue dans les rangs d’une discipline sportive présente aux Jeux à savoir, l’athlétisme avec Mballa Eloundou et Batangdon Joseph. Je voudrais réagir en disant qu’en attendant qu’aboutissent les textes réglementaires sur le statut du sportif de haut niveau, nous comptons effectivement sur le patriotisme de nos compatriotes pour que, malgré la modicité des moyens, ils puissent toujours répondre présents aux grands rendez-vous qui interpellent notre pays. Bien sûr, nous veillerons davantage pour que les sacrifices sollicités du côté des sportifs ne soient point une pénalisation à leur détriment.
Nous constatons de plus en plus que les sportifs camerounais, déçus par le manque de solution à leurs problèmes multiples décident de changer de nationalité au profit des pays qui leur offrent de meilleures perspectives de carrière. ..
Le dernier cas en date est celui des haltérophiles Dabaya Tientcheu, Yamechi Madeleine et Matam Hercule, tous médaillés d’or aux Jeux du Commonwealth à Manchester en 2002 et aujourd’hui citoyens français. Cette situation est certainement à l’origine des défections telles que celles que nous venons d’enregistrer à Melbourne. L’athlète est au centre de notre participation aux compétitions internationales et devrait de ce fait bénéficier de toutes nos préoccupations tant matérielles que financières. Car, sans les athlètes, les officiels qui se déplacent généralement en grand nombre n’auraient plus aucune raison de le faire. Il est par conséquent urgent que le statut du sportif de haut niveau soit effectif.
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