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TRES CHERE FRANÇOISE (27.08.2004)
Ton succès a surgi dans la douleur, les larmes et la solitude absolue et nous a tous émus. Nous qui sommes des habitués des compétitions et des clameurs qui accompagnent les succès des Lions indomptables, avons mesuré le silence et toute la retenue qui a suivi ton exploit. Comme électrocutés par cette médaille d’or que l’on n’attendait pas. Alors que, pourtant, une vice-championne du monde peut honorablement prétendre au sacre olympique. Mais non, nos têtes étaient ailleurs. Nous savions que cette victoire pouvait arriver, mais qui aurait pensé à accorder une grande Une à Françoise Mbango. Depuis que tu as accédé au rang de vice-championne du monde à Edmonton en 2001, tu n’as cessé de progresser. Seule et sans le moindre soutien de ton pays, courtisée par les pays occidentaux mais fermement ancrée dans ton terroir pour lequel tu rêvais de gloire. Tu viens de l’offrir à tout un peuple qui savoure, pour la première fois, une médaille d’or olympique en athlétisme. Cette victoire est historique et mérite qu’on t`honore à la dimension de ton exploit.
Tu as promené ton air grave et ta discrétion sur les stades, consciente de l’indifférence que l’on accorde à ta discipline et du sort réservé à l’athlétisme dans un pays où la tyrannie du football, forgée à la force des crampons de ses héros, étouffe l’athlétisme et tous les autres sports.
Dans un survêtement bleu étriqué (quel rapport avec le drapeau national ?)-, tu as porté ta sobriété sur la plus haute marche du podium et lâché pour la première fois un sourire radieux qui s’est vite évanoui dans les larmes d’émotion lorsqu`a retenti l’hymne national que tu as d`ailleurs entonné. Comme pour savourer une mission accomplie, bien accomplie.
C’est bizarre, on est en Grèce, et ton sacre sur l’Olympe s’apparente à celui de ces héroïnes grecques, grandes dans la souffrance et la tragédie, sauf que tu n’as pas voulu, toi, te laisser enfermer dans un destin qui aurait pu te clouer définitivement à la seconde marche du podium. Tu t’es surpassée en te propulsant au sommet.
Symbole d’athlète courageuse et de femme de caractère qui n’a jamais baissé les bras en dépit de l’adversité, tu es de la trempe de ces femmes africaines qui ont forgé
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lalégende des amazones, redoutables, invincibles, guerrières.
Le pays t’offrira-t-il aussi les mêmes honneurs que ceux réservés aux Lions indomptables à leur retour de Sydney ? Le parent pauvre du sport va-t-il, enfin, grâce à toi, recouvrer tout son lustre et son panache?
Tu symbolises, à toi seule, tous les combats des athlètes camerounais, ces femmes et hommes connus seulement d’un petit cercle d’initiés là où, sous d’autres cieux, tes semblables sont de véritables stars, reconnues et respectées quand ils ne sont pas vénérés de tous.
Ces 15,30 mètres qui ont hissé le drapeau camerounais au sommet du mât des couleurs nationales et ce stade debout qui t’acclame sont le plus bel hommage à ton courage et à ton opiniâtreté.
Tu as infligé la plus cinglante des gifles à tous ceux qui, de bonne foi pourtant, te suggéraient de changer de nationalité, comme si tu ne pouvais pas atteindre le sommet en conservant ta nationalité. Au prix du sang et des larmes qui t’ont amenée à saluer avant tout ton cercle d’intimes qui ont cru en toi et t’ont soutenue sur le long et douloureux chemin de la consécration.
Ironie du sort, c’est le sexe faible qui arrache la première médaille d’or d’athlétisme aux Jeux olympiques, au moment où ton sport souffre dramatiquement de l’abandon des pouvoirs publics. Il ne charrie pas des sommes d’argent faramineuses que le football et ses coupes du monde rapportent.
Désormais, grâce à toi, on regardera d` un œil nouveau l’athlétisme camerounais, une discipline où les succès se fondent plus sur des individualités mordues par leur discipline que sur une politique conséquente. En cela, il n’y a pas de grande différence avec le football, à part que celui-ci peut rapporter et rapporte d’ailleurs souvent gros.
Nul doute que demain, le pouvoir tentera de récupérer ton exploit pour en faire un outil de propagande auprès des jeunes, des sportifs et des femmes. Ce sera franchement d’un très mauvais goût, car cette victoire mérite du respect. Comme tu l’as imposé, toi, Françoise Mbango Etoné, si avare en confidences. La preuve est faite que le silence est d’or. De l’or d’une grande, d`une très grande amazone.
Henriette EKWE
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