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21.02.2002
Carte sur table Iya Mohamed dit tout sur tout
Les lecteurs du Messager avaient souhaité rencontrer le président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), pour parler avec lui de la situation du football camerounais, au cours de cette année 2002 qui est aussi celle du football. Avec une étonnante facilité, M. Iya Mohamed a accepté de se prêter au jeu. Et leur a donné rendez-vous pour après la Coupe d’Afrique des nations. Promesse faite, promesse tenue
Après avoir présenté jeudi 14 février au public de Yaoundé, le nouveau trophée, ramené du Mali par les Lions Indomptables et avant même d’aller retrouver sa famille à Garoua, le président de la Fécafoot accompagné de David Mayebi, vice-président de la Fécafoot, a fait un voyage à Douala pour y rencontrer les lecteurs du Messager. Une rencontre plutôt conviviale. Sans fard ni langue de bois, M. Iya Mohamed a répondu à toutes les questions que vous avez bien voulu lui poser. Et tout y est passé: la brillante prestation des Lions Indomptables à la Can 2002, bien sûr, mais aussi le statut de Winfried Schäfer, la préparation de l’équipe nationale à 100 jours de la Coupe du monde, le sponsoring de cette équipe nationale, l’éternel problème d’infrastructures sportives, celui aussi de la mauvaise organisation du championnat, la professionnalisation du football national, etc. Lisez plutôt.
Question de Grégoire Womeni.
Bonabéri, Douala:
Monsieur le président, les Lions Indomptables du Cameroun viennent de conserver leur titre de champion d’Afrique au Mali, en dominant de bout en bout la 23e Coupe d’Afrique des nations: six matches, six victoires, meilleure attaque, meilleure défense, zéro but encaissé, meilleurs buteurs, plus lourds scores réussis, etc. Quels sont les secrets d’une telle réussite inédite?
Iya Mohamed: Secrets en tant que tel, il n’y en a pas. Il se trouve tout simplement que le Cameroun dispose actuellement pour son équipe nationale, d’une génération de joueurs très combative, disciplinée, très engagée et de surcroît très professionnelle. Les joueurs de l’équipe nationale jouent ensemble depuis au moins quatre ans; ce qui est un atout considérable. En plus de la qualité des joueurs, il faut saluer la qualité de l’encadrement. Nous avons en Winfried Schäfer un entraîneur de très haut niveau. Il a été par deux fois, meilleur entraîneur en Allemagne. Il faut aussi souligner l’apport de l’équipe médicale. Dans le cadre de notre coopération avec la fédération allemande de football, en plus de M. Schäfer; celle-ci nous a donné quatre membres de l’équipe médicale; un médecin et trois kinés. L’apport de cette équipe médicale est très important. Vous constaterez que pour une fois, les Lions avaient une forme physique supérieure à la moyenne; en tout cas, nettement supérieure à celle de leurs adversaires. Je crois que jusque-là, nous nous amusions plutôt avec l’aspect médical de l’encadrement technique.
Maintenant, les choses ont changé. Il fallait voir ce que notre équipe médiale avait comme équipement à Sikasso et Bamako. Il y avait des médicaments, des ordinateurs et du matériel très sophistiqué. Cette équipe médicale constituée de professionnels chevronnés a vraiment beaucoup apporté aux Lions Indomptables. En dernier lieu, parmi les acteurs ayant contribué à notre bonne prestation, je souligne la sérénité enfin retrouvée; je dirai plutôt le début de professionnalisation de l’administration de notre fédération. Il était très important que les problèmes de primes soient réglés avant le début de la compétition. Tous les problèmes d’intendance ont été réglés bien avant. Et puis, nous sommes entrés en stage de préparation au moment où il le fallait, c’est-à-dire 14 jours avant le début de la compétition, selon le délai réglementaire de la Fifa. Tous les joueurs sont arrivés à temps. L’environnement approprié pour une bonne prestation était ainsi en place. L’ensemble de ces facteurs a permis à nos Lions Indomptables de rééditer non pas leur exploit de l’an 2000, mais leur performance. Maintenant, je dirai qu’il faut rester humble. Le dernier match contre le Sénégal, nous l’avons remporté sans pour autant le gagner, même si je pense que nous aurions pu le gagner dans les 90 minutes réglementaires si l’arbitre n’avait pas refusé le but de Eto’o qui était parfaitement valable, et s’il avait sifflé le penalty parfaitement indiscutable lorsque Ndieffi a été accroché dans la surface de réparation sénégalaise. J’ai des images qui le prouvent. Des journaux comme l’Equipe et France Football l’ont également affirmé. Quoi qu’il en soit, tout est bien qui finit bien.
Grégoire Womeni.
Bonabéri, Douala:
Dans quels domaines pensez-vous que cette équipe des Lions Indomptables devrait encore s’améliorer?
Iya Mohamed: Des améliorations sont encore possibles; sur le plan défensif notamment. Il y a possibilité d’améliorer les performances de la ligne défensive, dans la mesure où le football moderne est un football très véloce, avec des attaquants qui vont à 100 à l’heure. Nous devons donc faire attention. Nos défenseurs ont su répondre au Mali où ils n’ont d’ailleurs encaissé aucun but, mais je pense qu’on peut être plus rigoureux encore. Il me semble que l’entraîneur est très conscient de cette situation. Egalement, sur le plan administratif, de nécessaires améliorations s’imposent. Les Joueurs sont très professionnels, nous devons nous aussi être professionnels. Nous, leurs encadreurs, devons respecter de façon stricte les mesures imposées par les organisateurs des matches; qu’il s’agisse de la Caf ou s’agisse de la Fifa. Si tout le monde respectait à la lettre ces consignes, nous n’aurions pas connu les déboires qui ont été les nôtres au Mali. Nous devons être irréprochables sur le terrain et en dehors du terrain. Ce qui se passe en dehors du terrain peut tout aussi bien influencer négativement nos performances sur le terrain.
Aloys Mvondo.
Nlongkak, Yaoundé:
Pensez-vous que le nouvel entraîneur, Winfried Schäfer ait apporté un plus aux Lions Indomptables? Doit-on le garder, en sachant que le Cameroun affrontera son pays d’origine, l’Allemagne, en Coupe du monde?
Iya Mohamed: Il a beaucoup apporté. Il est crédible et compétent. Il a fait ses preuves et il a tout gagné en tant que joueur et en tant qu’entraîneur. Les joueurs veulent avoir affaire à quelqu’un de ce niveau. Il inspire respect et les joueurs le respectent parce qu’ils savent qui il est. Surtout, il a une méthode de travail qui consiste à obtenir l’adhésion des joueurs dans tout ce qu’il fait. C’est un psychologue qui a su mériter la confiance des joueurs.
Maintenant, le fait que le Cameroun joue contre l’Allemagne, pays d’origine de M. Schäfer, ne devrait pas nous rendre méfiants vis-à-vis de lui. Je ne doute pas de la franchise et de la loyauté de M. Schäfer. Je pense même que, connaissant bien le football allemand et certains joueurs de l’équipe nationale allemande qu’il a formés, il peut beaucoup nous apporter lors de notre match contre l’Allemagne qui ne sera du reste pas le seul que nous allons livrer en Coupe du monde. Quoiqu’il en soit, M. Schäfer est un professionnel et en tant que tel, il a l’obligation morale de rendre service à son employeur. Je crois que Winfried Schäfer est un atout pour le Cameroun.
Yves Tchatchouang.
Université de Soa:
Sous quelles conditions financières le Cameroun a-t-il recruté M. Schäfer et pourquoi ne vient-il pas s’installer au Cameroun, préférant continuer à vivre en Allemagne?
Iya Mohamed: En réalité, M. Schäfer ne vit pas en Allemagne; il est tout le temps parti en voyage. Il doit en permanence superviser nos joueurs qui évoluent dans de grands clubs en France, en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Espagne, etc. L’entraîneur doit avoir régulièrement des entretiens avec leurs managers voire leurs dirigeants, pour savoir l’état mental et physique de nos Lions. Ceci est très important. En plus, il voyage aussi pour pouvoir obtenir et réserver à temps les sites d’entraînements pour les regroupements de l’équipe. Vous savez bien que nous n’avons pas de site d’entraînement digne de ce nom au Cameroun, à cela s’ajoute l’obstacle de la distance entre l’Europe et nous. Dans ces conditions, que viendrait faire M. Schäfer ici, alors que tous ses joueurs évoluent en Europe? Je ne vois pas pour le moment, l’opportunité pour lui de s’installer au Cameroun. Autrement, il serait d’une efficacité moindre. Il me semble donc que la solution actuelle est convenable pour le Cameroun.
S’agissant maintenant des conditions financières, je crois que par respect d’autrui, il n’est pas normal que je divulgue le montant de son salaire. Sachez néanmoins qu’au départ, il était question de jouer un match amical contre l’Allemagne le 14 mai. Ce match devait nous apporter un million de dollars sur lequel l’Etat allemand aurait retenu 50% et nous, nous aurions reçu 500 000 dollars, soit environ 350 millions de francs Cfa; de quoi payer notre entraîneur, son adjoint et son équipe pendant 10 ou 11 mois.
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