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Transferts : La nouvelle affaire Eto’o (26.07.2004)
Les plus grands clubs espagnols se disputent le meilleur joueur africain. En hypothèquant son ascension en Europe.
Dans quel club Samuel Eto’o Fils évoluera-t-il la saison sportive prochaine ? La question est devenue récurrente. Tant il est vrai que pour le ballon d’or africain 2003, les intersaisons se suivent et se ressemblent. Chaque année, on l’annonce partant – et parfois même parti – du Réal de Majorque, mais jamais pourtant, il ne réussit à quitter l’île agréable des Baléares qu’il adore, dans laquelle il jouit d’un véritable statut de star, mais où il manque cruellement d’ambition. L’année dernière, Samuel Eto’o était convoité par des clubs comme Valence, Chelsea, Liverpool, Manchester United, la Juventus de Turin, l’As Roma, Lyon, etc, qui comptent parmi les plus grands des meilleurs championnats d’Europe . Sans suite.
Cette année, il suscite encore de la convoitise. Mais le risque est grand que la saison prochaine, on retrouve le jeune attaquant sous les couleurs rouge et noir du club des Baléares ; pour ce qui serait alors la continuité d’un énorme gâchis. Samuel Eto’o est en effet l’unique joueur parmi les 50 meilleurs que compte la planète football à évoluer dans un petit club de seconde zone dont le plus grand mérite serait peut-être de le compter dans ses rangs. Une véritable frustration pour le champion olympique 2000 qui devrait aujourd’hui être sociétaire d’un club plus valorisant. La valeur du joueur n’est évidemment pas en cause, plutôt son statut professionnel, fruit d’un étrange montage juridico-financier ; une grosse curiosité dans le monde du football.
Dans l’étau du Réal
Samuel Eto’o est sous contrat jusqu’en 2007 avec Majorque qui n’entend pas le laisser partir à n’importe quel prix. « Mallorca a payé une forte somme en son temps pour acquérir Eto’o. Sur un marché en récession, où on paye des quantités d’argent très importantes pour les joueurs de valeur, Eto’o est un joueur de haut de gamme. Il sortira d’ici si nous obtenons des recettes adéquates, satisfaisantes pour le club et le joueur de football. Nous avons pris un pari risqué en son temps, et son cours a monté. Si Eto’o s’en va, ce sera à la pleine satisfaction du club et du joueur », rappelle Mateo Alemany, le président de Majorque. Mais en plus, le Real Madrid a son mot à dire sur le transfert du Camerounais. Il faut savoir en effet que le pensionnaire surdoué de la Kadji Sports Academy (KSA) était allé parachever sa formation au Real Madrid qui passe pour être son club formateur. Après l’avoir d’abord prêté au petit club espagnol de Leganes, le Real Madrid l’a finalement transféré à Majorque en 2000, contre 7 millions d’Euros, dans un montage complexe qui avait vu Diego Tristan (Majorque) être cédé à La Corogne et Flavio Conceiçao (Deportivo La Corogne) aller rejoindre le Real Madrid qui conservait 50% des droits sur Eto’o. Soit un important droit de regard sur la suite de sa carrière.
Or, les Madrilènes, s’ils ne peuvent actuellement intégrer Samuel Eto’o dans leur effectif qui compte déjà trois joueurs extracommunautaires - l’Argentin Samuel, et les Brésiliens Ronaldo et Roberto Carlos -, n’en sont pas moins conscients de sa valeur. Ils savent, au vu de son talent que Samuel Eto’o, 23 ans et déjà 57 buts en Liga espagnole, a les moyens d’être confirmé dans un an ou deux, tout au plus, comme l’un
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des dix meilleurs joueurs de la planète et vaudra alors son pesant d’or. Emilio Butragueno le directeur sportif des Madrilènes n’hésite d’ailleurs pas à dire que « Samuel Eto’o est un joueur de football très intéressant pour le futur du Real Madrid ». La « Maison Blanche » n’envisage par conséquent pas que le Camerounais soit vendu. Surtout pas pour aller renforcer un rival. Et justement, plusieurs rivaux sont prêts à recruter le virtuose de Majorque : Valence, le champion d’Espagne , l’Athletico de Madrid – l’autre club de la capitale espagnole –, rival congénital, et surtout Barcelone, l’ennemi intime qui a mis 16 millions d’Euros dans la balance pour en faire son transfert prioritaire cette saison.
L’esclavage
des temps modernes
Pour couper court aux prétentions de ses rivaux, le Real offre 10 millions d’euros à Majorque, en guise de rachat des droits du club des Baléares sur le joueur et se dit prêt à le lui prêter pour encore un an. En d’autres termes, alors que de grands clubs sont prêts à casser leur tirelire pour recruter Samuel Eto’o, le petit club de Majorque se voit offrir près de 7 milliards de francs pour que l’attaquant camerounais continue à jouer sous ses couleurs. Tout simplement renversant. Que peut donc Samuel Eto’o face à cet acharnement du plus grand club de football au monde ? Espérer que Barcelone va revenir à la charge pour combler Majorque, se résoudre à attendre l’année prochaine pour rejoindre Madrid, ou, faire de la résistance comme Claude Makelele la saison écoulée, contre le même Real de Madrid, ou l’espoir français Philippe Mexes contre Auxerre cette année. Mais alors, à ses risques et périls.
Cette affaire Eto’o qui vient encore souligner que le ballon d’or africain 2003 est devenu un joueur incontournable en Espagne, rappelle aussi que le football n’est plus seulement une discipline sportive ; il fait désormais partie du décor du capitalisme déshumanisant en vogue. Une sorte d’industrie cannibale qui a appris à dévorer ses propres ouvriers. Un esclavage des temps modernes qui ravale des gens de valeur au rang de simple marchandise, vendue certes très cher, mais sans avoir véritablement la maîtrise de leur carrière et de leur futur dont la suite dépend toujours des intérêts des clubs. Inutile de dire que les footballeurs africains, prêts à tout donner pour intégrer ce monde professionnel qu’ils n’imaginent pas aussi cruel, ne sont pas les mieux armés pour affronter ces réalités. Il serait peut-être temps que la Fifa songe à protéger davantage le footballeur en se penchant sur ces contrats léonins qui gouvernent sa planète foot.
Samuel Eto’o en bref
Né le : 10 mars 1981, à Nkon, 1m80, 75kg
Poste : Attaquant
Clubs : Leganes(1997-1998), Real Madrid(98-00), Real Majorque(00 – 04)
Championnat d’Espagne :
163 matches, 57 buts
1997-1998 : 28 matches, 3 buts ; 98-99 : 1 match, 0 but ; 99-00 : 14 matches, 6 buts ; 00-01 : 28 matches, 11 buts ; 01-02 : 30 matches, 6 buts ; 02-03 : 30 matches, 14 buts ; 03-04 : 32 matches, 17 buts
Palmarès :
-Vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations (2000, 2002)
-Champion olympique (2000)
-Vainqueur de la Coupe d’Espagne (2003)
-Finaliste de la Coupe des Confédérations (2003)
-Deux participations à la Coupe du monde (1998 et 2002).
Par Ambroise EBONDA
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