|
|
|
|
Paul Bahoken: «Dès que nous portions le maillot, les problèmes ne comptaient plus» (30.06.2010)
Par lemessager
Il y avait beaucoup d’espoir en cette coupe du monde qui se déroule en Afrique. Le Cameroun sort au premier tour, avec un nouveau record qui est de sortir sans victoire, j’allais dire sans aucun point. Ce qu’on n’a jamais connu. Quel est le premier commentaire que vous avez face à cette sortie ?
La déconfiture, c’est le fait d’une mauvaise préparation. On convoque les gars à deux, trois semaines avant la compétition. On ne peut pas trouver des automatismes en si peu de temps, même en deux mois. Surtout que les gars viennent de part et d’autres. Le travail physique et tactique pour moi n’a pas atteint son niveau.
D’après vous, tout se résume à la préparation ?
Je pense que oui. Tout ce qu’on dit à côté franchement ne regarde pas le football. Je me rappelle à l’époque même si on n’était pas bon tactiquement, on était au point sur le plan physique. Le travail physique nous a beaucoup aidés. Il y avait également des problèmes comme ceux qu’on embrasse en ce moment mais sur le terrain, on arrivait à les surpasser.
Mais on peut vous opposer le fait qu’à l’époque, vous étiez presque tous des amateurs. Aujourdhui, c’est essentiellement des professionnels qui sont éparpillés en Europe et que les rassembler est souvent difficile. Que pouvez-vous dire là-dessus ?
Je pense que le choix de ces professionnels pour moi n’est pas valable car n’importe qui peut jouer dans les Lions. Il suffit qu’on apprenne que vous jouez en Turquie pour être sélectionné. Il suffit que quelqu’un joue au Qatar, on le prend. Moi je pense qu’on devait structurer cette affaire-là. Il nous faut un entraîneur principal avec des adjoints qui sont des anciens joueurs, des anciens professionnels qui peuvent superviser les joueurs sur place. Or qu’est-ce-qu’on fait? A la longue en prenant n’importe qui et n’importe comment, notre football va régresser.
On observe qu’il y a beaucoup de clans au sein des Lions indomptables. Des joueurs qui ne se saluent pas, d’autres qui se regardent en chiens de faïence. On a bien vu que les deux pays (France et Cameroun) où ces problèmes se sont posés avec acuité ont réalisé des performances mièvres, vraiment médiocres. Pourtant vous semblez évacuer ce problème-là…
Oui. Je trouve que ce sont des raisons bidons. A chaque compétition depuis 1982, il y a toujours eu des problèmes de ce genre. Je me rappelle que j’ai eu des problèmes une fois avec Jean-Pierre Tokoto. Ce qui n’a pas entâché notre parfaite collaboration sur le terrain de football. On ne connaissait pas ce problème de rivalité. A l’époque et même jusqu’à un certain temps, les problèmes n’ont pas manqué mais dès que nous portions le maillot de notre pays, les problèmes ne comptaient plus…
Pourquoi la génération actuelle n’arrive-t-elle pas à surpasser ces clans, transcender leurs différends et s’accaparer le maillot comme vous dites ? Puisque vous avez dit qu’à votre époque, c’était possible.
La raison est bien simple. Au sein de l’équipe nationale, certains joueurs appartiennent à des dirigeants. Le facteur pécunier en est peut-être la raison. Il y a un problème de rivalité dont les dirigeants doivent prendre en considération. De deux, il n’y a pas un leadership à l’équipe nationale. Je n’ai pas vu un meneur de jeu. De trois, il faut au sein des Lions, des conseillers, des gens qui ont joué avant ceux-là, comme ceux d’aujourd’hui. Si on prenait un garçon comme Mboma, il pourrait faire l’affaire car il saura conseiller Eto’o et les choses iraient mieux. Il nous faut des gars qui connaissent le ballon, mais pas ceux qui viennent là pour seulement parler.
L’absence de Foé est-elle à regretter ?
Il est vrai que c’était un vrai meneur de jeu. Il est également vrai que son absence est à regretter. Depuis sa disparition, on n’a pas eu un vrai leadership. Je mets quiconque au défi de me prouver le contraire.
Si vous étiez à la place de Paul Le Guen, auriez-vous opté pour les mêmes choix tactiques que le Breton ?
Je ne pense pas que le système de jeu soit la raison principale de la déconfiture de l’équipe nationale. Sauf si c’est vous qui le dites. On ne peut pas gagner avec un système de 4-4-2, ou 4-3-3 si on n’est pas préparé. On peut gagner avec toutes les stratégies. Avec un seul attaquant, cinq milieux et quatre défenseurs. Le problème qui nous a vraiment minés, c’est l’absence de préparation. Les gars se sont retrouvés à un mois de la compétition, ce qui n’est pas logique. Les responsables, c’est d’abord les joueurs, puis l’entraîneur et les dirigeants.
Il y a des gens qui ont constaté qu’en onze mois, Paul Le Guen a fait jouer dix sept équipes. En tant que technicien, auriez-vous fait de même ?
C’est simple. Si un entraîneur change de joueurs, cela veut dire que ceux qui étaient avant ne donnaient pas satisfaction. Il m’est arrivé de le faire en tant qu’entraîneur au moment où je ne suis pas satisfait de la prestation d’un joueur. C’est pour cela que Paul Le Guen a continué à chercher mais jusqu’à la fin, il n’a pas trouvé.
Cela veut-il dire que tous ceux qui jouent dans cette équipe sont-ils des minables ?
On ne peut pas le dire car ils sont quand même des professionnels…
Si on vous proposait le poste de sélectionneur ?
Ce ne sont pas les diplômes qui entraînent, il faut que ce soit clair dans les esprits. C’est la connaissance du football. Quand tu as été footballeur, amateur ou professionnel et que tu es pétri d’expérience, tu es capable d’entraîner. Je ne comprends pas pourquoi on va toujours nous chercher des gens à l’extérieur. Si c’est une affaire de corruption, je comprends que nos frères sont facilement corruptibles mais de grâce, faisons confiance à nos locaux, aux gars du pays. C’est tout simplement cela. Qu’on n’oublie pas qu’un entraîneur, c’est avant tout les joueurs. Si un entraîneur de football n’a pas de bons joueurs, qu’il soit Dieu ou je ne sais pas qui, il ne pourra jamais réussir. C’est ça la réalité.
Aussitôt qu’un joueur émerge, il part se chercher ailleurs au point où le championnat local n’est plus ce qu’il était quand vous étiez là. Ne pensez-vous
|
pasque ces départs précoces causent un tort à notre équipe nationale et au championnat? Est-ce pour cela qu’on n’arrive plus à trouver des joueurs locaux pour les Lions indomptables ?
Je suis d’accord avec ceux qui pensent que notre championnat n’a plus de valeur. Si j’étais le conseiller du ministre des Sports, je proposerais qu’aucun joueur ne devrait quitter le Cameroun avant dix neuf, vingt ans. Ainsi il aura tout le temps de s’imprégner, de s’habituer, de mûrir avec l’équipe nationale. Pour mon cas, j’ai été sélectionné à dix sept ans et j’ai eu tout le temps de suivre ce parcours, même comme au départ j’étais remplaçant. Il faut d’abord que chaque futur Lion fasse ses preuves au Cameroun avant de partir. A notre époque, tous les gars jouaient ici et très bien d’ailleurs. On ajoutait seulement quelques professionnels, un peu comme l’Egypte qui évolue avec des locaux et ça produit les résultats qu’on connaît. Que d’aller prendre des professionnels qui sont titulaires dans leurs équipes qui viennent faire banquette ici. Je trouve ça illogique.
On remet sur la sellette l’instauration du professionnalisme déjà amorcé il y a quelques années par Feu Njoh-Léa. Le professionnalisme va-t-il arrêter l’exode des joueurs ?
Il y a beaucoup de dirigeants qui sont contre le professionnalisme au Cameroun. Si on avait accepté les propositions de Njoh-Léa, on ne serait pas entrain de trimer comme c’est le cas actuellement. Si nos dirigeants acceptaient le professionnalisme, ça freinerait comme vous le dites, l’exode des joueurs. Mais j’insiste sur le fait qu’un joueur ne doive pas sortir du pays, comme on l’a fait en Tunisie, seulement à partir de vingt ans. C’est comme un service militaire. On ne peut partir que si on l’achève. Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra réussir. Si dans les jours à venir on veut avoir une vraie équipe nationale, il faut qu’on commence à former vingt trois joueurs nationaux ici qu’on mélange avec six professionnels. Et il faut que ces joueurs s’habituent à jouer ensemble. Vous verrez que ça fera l’affaire.
Quel bilan faites-vous de la participation du Cameroun et des autres nations en coupe du monde ?
Il est catastrophique. Et je trouve anormal que les gens ne puissent pas en parler. Il faut en parler pour en tirer des leçons. Les gars sont allés en Afrique du sud où ils sont rentrés avec zéro point et on se tait, on ne dit rien. Tant qu’on ne parlera pas, tant qu’on ne se regardera pas en face, on va toujours retomber dans la fosse. Ce n’est pas une affaire de dénigrer quelqu’un mais c’est une auto critique pour savoir pourquoi on n’est pas allé loin dans cette compétition.
Que faut-il faire concrètement ?
Je pense qu’il faut de bons conseillers à nos dirigeants, ceux qui ont pratiqué le football, ceux qui connaissent le football et le pays. Des gens qui à travers leur expérience peuvent trouver des solutions.
Que pensez-vous de la prestation de la Côte d’Ivoire, du Nigeria, de l’Algérie, de l’Afrique du sud…et du Ghana ?
Le Ghana, c’est autre chose. On ne peut pas comparer le Ghana à la Côte d’Ivoire ou à l’Algérie qui ont été éliminés au premier tour. L’équipe actuelle du Ghana est la même qui a gagné la coupe du monde junior. Ils n’ont pas changé l’ossature centrale mais l’ont renforcée avec des professionnels. De ce côté, ils ont fait vite de tirer les leçons.
Comment cela peut-il changer au Cameroun?
Il faut d’abord commencer par avoir les infrastructures, changer la mentalité aussi bien des dirigeants que des entraîneurs. Pour s’entraîner dans un club aujourd’hui, il faut monnayer, ce n’est pas une bonne chose. Ce sont des pratiques à bannir.
Qu’est-ce-qu’il faut pour que le footballeur vive de son art au Cameroun ?
Il faut le professionnalisme, c’est tout. Il faut qu’on crée une ligue de football professionnelle mais ça ne va pas arranger beaucoup de gens. La FECAFOOT est la seule organisation de football dans le monde qui traite ses affaires en espèces, beaucoup d’affaires se traitent en espèces. Il faut que ça change…
Mais on ne peut pas les enlever comme ça puisque la FIFA protège ses associations…
La FIFA n’est peut-être pas au courant de ce qui se passe dans certains pays. Au Cameroun il faut que les gens parviennent à vivre grâce au football qu’il pratique. L’idée de Njoh-Léa n’arrangeait pas beaucoup de gens. Est-ce que c’est normal que tout le staff de la FECAFOOT se rende en Afrique du sud pour suivre la coupe du monde ?
Supposons que vous êtes entraîneur des Lions indomptables et que vous ayez un joueur qui gagne un milliard Fcfa chaque mois, pensez-vous que vous aurez assez d’autorité sur lui avec tout ce qu’il gagne comme argent?
L’argent n’a rien à voir dans le football. Je vous prends un exemple. J’ai entraîné Colombe de Sangmélima et on m’a fait venir de grands joueurs. Je disais à ces joueurs que le poste se gagne sur le terrain. La discipline régnait. L’argent ne doit pas prendre le dessus sur le football. L’argent est une chose, le football une autre.
Lorsque vous étiez Lion Indomptable, quelle relation aviez-vous avec les marabouts ?
A ma connaissance, les marabouts n’existaient pas. Je n’ai jamais vu un ballon aller seul se loger dans les filets. Il y a toujours un coup de pied qui le propulse au fond des filets. Si ça existait ce serait autre chose. Qu’on cesse de croire que la magie existe au football, ça n’existe pas.
Il faut restructurer le football camerounais. Donner des responsabilités à ceux qui les méritent, qui veulent. Il y a ici au Cameroun des gens qui veulent s’en occuper mais quand ils voient comment ça se gère, ils sont découragés. Ces gens-là qui veulent apporter un plus à notre football ne viennent pas pour des raisons financières. Ils viennent pour aider leurs propres frères, c’est pourquoi ils doivent être désignés. Il y a beaucoup de travail à faire. Il faut travailler avec des gens qui connaissent le football, qui ont envie de le faire évoluer.
Comment vous envisagez le match Ghana-Uruguay ?
C’est deux styles de jeu opposés. Je pense qu’ils vont se départager aux tirs au but.
|
|
|
|
|
|
|
Hits: 5353 | lemessager.net
|  |  | Toutes les ( 0 ) Réactions
|
|
|
Pour réagir, vous devez être connecté. Enregistrez vous et connectez vous.
|
Première page
Toute l' actualité
|
|
|
|
|
| |
|
