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Dr Armand NGHEMKAP : En hommage à Marc-Vivien FOE, la réanimation du sportif a été actualisée. (22.06.2009)
Depuis le décès en mondovision le 26 juin 2003 du capitaine des Lions Indomptables du Cameroun, le légendaire Marc-Vivien FOE, au stade de Gerland de Lyon à la 72 ème minute de la demi- finale de la coupe des confédérations, qui opposait l’équipe du Cameroun à celle de Colombie, le grand public n’ignore plus que les sportifs, même de haut niveau, en pleine santé, peuvent s’écrouler en plein effort. Il ne reste plus qu’à faire passer le message que bon nombre de ces sportifs pourraient être sauvé par des gestes simples.
A l’occasion du 6ème anniversaire de ce malheureux événement et afin de rendre un ultime hommage au regretté Marc-Vivien FOE, il nous est paru opportun de rencontrer le Docteur Armand NGHEMKAP, Médecin Urgentiste, Praticien Hospitalier, spécialiste en médecine et biologie du sport, par ailleurs Expert-CL médical sur le site camerounlink.net pour un entretien sur la mort subite du sportif.
Camerounlink : Bonjour Docteur, merci de nous recevoir dans votre magnifique service. L’actualité étant marqué par la coupe des confédérations qui se déroule actuellement en Afrique du Sud et par le 6ème anniversaire du décès de notre légendaire Marc-Vivien FOE, nous avons souhaité vous rencontrer. Aussi, que pouvez-vous nous dire sur la mort subite du sportif ?
Dr Armand NGHEMKAP : La mort subite du sportif est une mort brusque, naturelle et inattendue qui survient chez un sportif considéré jusqu’alors comme indemne de toute maladie, victime d’un malaise en pleine activité physique ou dans l’heure qui suit la pratique d’un sport. Nous sommes donc tous des victimes potentielles d’une mort subite du sportif. En France, chaque année, 300 à 500 sportifs occasionnels, athlètes de haut niveau ou footballeurs du dimanche, sont victimes de mort subite. Par ailleurs, on observe que les morts subites des sportifs se sont multipliés depuis une vingtaine d’année du fait de l’augmentation du nombre de sportifs, de l’attrait de la victoire et de l’argent qui est à l’origine de sollicitations en efforts physiques plus intenses et plus fréquentes.
Camerounlink : Comment peut-on alors reconnaître une mort subite chez un sportif.
Dr Armand NGHEMKAP : Il faut tout d’abord se poser 2 questions fondamentales chez une personne qui fait un malaise au cours ou après un effort physique : la personne est-elle consciente ? Est-ce que la personne respire normalement ? En règle générale, face à tout sportif qui s’écroule sur un terrain après un effort physique, victime d’un malaise, ne réagit plus, ne bouge plus ou convulse, ne respire pas ou respire de façon anormale, menace d’avaler sa langue comme on l’a vu dans le cas du regretté Marc-Vivien FOE, tous ces signes sont très évocateurs d’une mort subite et doivent amener à déclencher une alerte et à la réalisation immédiate et sans perte de temps des premiers gestes qui sauvent.
Camerounlink : Docteur, pour vous résumer, vous dites qu’une fois constatée que le sportif n’est plus conscient et ne respire pas normalement, il faut réaliser des gestes qui sauvent. Quels sont ces gestes et comment les réaliser ?
Dr Armand NGHEMKAP : Ces gestes sont au nombre de trois et très facile à retenir : ALERTER, MASSER, DEFIBRILLER. Aussi, une fois l’alerte donnée, il faut très rapidement et prioritairement, sans perte de temps, procéder à la réalisation d’un massage cardiaque adapté. La connaissance de ce geste souvent enseigné par différents organismes type Croix-Rouge, Protection civile, Pompiers, Médecins Urgentistes et SAMU ne nécessite qu’une formation de moins d’une heure et pour ma part, le massage cardiaque devrait être connu de tous, et pratiquer un massage cardiaque devrait être un « GESTE CITOYEN ». Un bon massage cardiaque doit être le plus précoce et le plus continu possible.
Camerounlink : Vous ne parlez pas du « BOUCHE A BOUCHE » ?
Dr Armand NGHEMKAP : L’efficacité du « bouche à bouche » à savoir de la ventilation en jargon médical a été remise en question depuis le décès de Marc-Vivien FOE dans les nouvelles recommandations sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque. En effet, de nombreuses études scientifiques récentes ont montré que le « bouche à bouche » est un frein à la réalisation de la Réanimation Cardio-Pulmonaire (RCP) de base car le « bouche à bouche » n’est pas un geste simple à enseigner. Plus de 80% de personnes interrogées sur la pratique du « bouche à bouche » sont inquiets de l’éventualité d’une transmission de maladies infectieuses. Une célèbre étude japonaise (étude SOS KANTO group) parue dans la revue scientifique médicale « THE LANCET » en 2007 confirme que la ventilation dont le « bouche à bouche » n’est pas utile dans les premières minutes de prise en charge d’un arrêt cardiaque et constitue même un frein inutile à la réanimation cardiaque du fait qu’elle retarde ou interrompt la mise en place d’un massage cardiaque externe (MCE) adapté. Ainsi, depuis le décès de Marc-vivien FOE, le massage cardiaque externe est devenu la clé du succès de la récupération d’un arrêt cardiaque car il est indispensable pour améliorer une circulation sanguine artificielle.
Camerounlink : Dans votre retentissant article publié en 2003 à la UNE du journal camerounais LE MESSAGER sur la prise en charge du regretté Marc-Vivien FOE (Décès de MARC-VIVIEN FOE : Mort naturelle où mort évitable), vous aviez déploré l’absence d’un défibrillateur cardiaque. Aujourd’hui, il est présent lors de toute manifestation sportive. Pouvez-vous préciser à nos lecteurs ce qu’est réellement un défibrillateur cardiaque ?
Dr Armand NGHEMKAP : Le défibrillateur cardiaque est un appareil médical portable, de la taille d’une valisette, dont le rôle est d’analyser le rythme cardiaque et, si besoin, de permettre la délivrance d’un choc électrique, autrement appelé défibrillation, nécessaire à la survie d’une personne victime d’un arrêt
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cardiaque. C’est le seul appareil médical dont toutes les études scientifiques ont montré que son utilisation à large échelle permet de réduire sensiblement la mortalité en cas d’arrêt cardiaque. Il en existe en version totalement automatique et appelé défibrillateur automatique externe dont le fonctionnement a été nettement simplifié pour une large diffusion notamment auprès du grand public. Une formation simple de quelques minutes, accessible au monde sportif et au grand public permet sa bonne utilisation dans l’attente de l’arrivée des secours spécialisés. Suite au décès de Marc-Vivien FOE, un décret publié dans le journal officiel français du 4 mai 2007 a modifié le cadre réglementaire de son utilisation en autorisant sa généralisation au grand public sans aucune restriction, et son installation dans toutes les enceintes sportives. En effet, sur le plan médical, on constate que depuis le décès de Marc-Vivien FOE, l’utilisation des défibrillateurs cardiaques a permis d’augmenter les chances de survie de 2% à 25% chez les victimes d’arrêt cardiaque. J’ai notamment en mémoire la réanimation efficace du jeune Marco RANDRIANA, défenseur de l’équipe de football de Niort (Ligue 2 française), victime à Sedan (France) d’un arrêt cardiaque, le vendredi 18 janvier 2008 à la 23ème minute du match qui opposait son équipe à celle de Sedan lors de la 21ème journée de Ligue 2 française. Les secouristes sont intervenus directement sur le terrain en utilisant un défibrillateur cardiaque qui a permis d’arracher le jeune sportif des griffes de la mort. Je peux vous raconter une autre merveilleuse histoire de défibrillateur cardiaque. Récemment en Belgique, lors du match de barrage D1/D2 qui opposait ROULERS (D1 Belge) à L’ANTWERP (D2 Belge), le dimanche 7 juin 2009, le jeune footballeur Anthony VAN LOO, âgé de 21 ans s’est écroulé sur la pelouse, peu avant la fin de la 1ère mi-temps. Le jeune sportif a alors été pris de mouvements convulsifs, avant de reprendre connaissance. En fait, le jeune joueur qui souffrait d’irrégularités dans les battements de son cœur, s’était fait poser l’année précédant son malaise cardiaque soit en 2008 un défibrillateur cardiaque implantable. Il doit sa vie grâce à ce défibrillateur qui lui a délivré un choc électrique salvateur au cours de son malaise. Je pense personnellement qu’au Cameroun, il faut désormais exiger un défibrillateur cardiaque lors de la réanimation de tout sportif et même au cours du déroulement de toute activité sportive. Les enceintes sportives et les parcours sportifs dits Vita du Cameroun seraient bien inspirés de s’en équiper. Un défibrillateur cardiaque coûte environ 1 million de franc CFA. A l’échelle d’une vie, il n’y a plus à discuter de son coût. Aussi, des morts comme celui du jeune Ghislain Chephan DJEUTCHOUANG, décédé dans sa 17ème année le 25 avril 2008 à Douala, doivent désormais être évités. D’après mes souvenirs, le jeune élève de Terminale C au Lycée Joss de Douala se serait écroulé à 500 m de la ligne d’arrivée d’une course de résistance de l’épreuve physique et sportive de l’examen du BAC 2008. D’après des témoignages, il aurait convulsé, aurait menacé d’avaler sa langue puis a sombré dans le coma jusqu’à la constatation du décès par le SAMU appelé sur les lieux. A la lecture des témoignages, il est évident que le jeune élève est décédé d’une mort subite du sportif et que seule l’utilisation immédiate d’un défibrillateur cardiaque lui aurait donné une chance de survie comme je ne cesse de le répéter depuis plusieurs années.
Camerounlink : Mais alors Docteur, doit-on avoir peur de faire du sport ?
Dr Armand NGHEMKAP : En tant que spécialiste en Médecine et Biologie du Sport, je peux vous affirmer que la pratique sportive n’est pas sans danger et les risques augmentent avec une pratique de haut niveau. Les morts subites chez les sportifs ne doivent en aucun cas être un alibi pour redouter ou interdire la pratique du sport ou d’une activité physique et sportive chez l’ensemble de la population. Toutefois, cette pratique doit être adaptée aux circonstances et réalisée avec les précautions d’usage habituel pour un sport passion -sport santé. Nous ne devons pas avoir peur de faire du sport car l’activité sportive régulière s’avère au contraire très favorable à notre santé en nous protégeant des maladies cardio-vasculaires. En effet, le sport constitue l’activité essentielle dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Il permet une meilleure vascularisation du muscle cardiaque, en améliorant ses propriétés contractiles, en diminuant le pouls au repos et en normalisant la pression sanguine. Seulement, il arrive que cette relation bénéfique s’inverse au-delà d’un certain niveau de sollicitations.
Camerounlink : Docteur, nous arrivons au terme de notre entretien et l’équipe rédactionnelle de camerounlink.net vous remercie pour vous être montré disponible malgré votre emploi du temps, nous le constatons, bien chargé. Aussi, quel est votre mot de la fin ?
Dr Armand NGHEMKAP : Faire un massage cardiaque, c’est comme tendre la main à quelqu’un qui est en train de se noyer. Si on ne la lui tend pas, on est sûr qu’il meurt. Et quand on utilise un défibrillateur cardiaque, les chances de survie sont multipliées par 4. La meilleure des préventions de la mort subite du sportif passe par l’apprentissage des gestes qui sauvent. Ainsi je propose que les camerounais de tout bord militent en mémoire du regretté Marc-Vivien FOE, en pesant de tout leur poids sur les pouvoirs publics, pour faire du 26 juin, une « JOURNEE NATIONALE DE LA MORT SUBITE DU SPORTIF » où l’on enseignerait dans les écoles et au grand public les gestes qui sauvent, le massage cardiaque externe et l’utilisation d’un défibrillateur et ceci en la mémoire de Marc-Vivien FOE. La mort subite du sportif ne serait plus, de ce fait, considérée comme une fatalité.
Redaction
Camerounlink.net
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