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Division I : Dans les vestiaires des sacres de Coton sport (29.01.2007)
Bien organisé sur les plans administratif et financier, le club du Nord fait également montre d’un redoutable pragmatisme.
1- Un socle en béton
Sous un soleil accablant, les joueurs de Coton sport de Garoua trottinent sur la verte pelouse du Stade omnisports Rumdé Adjia. En ce mercredi du mois de janvier, ils préparent sous la supervision du tout nouveau coach français, Dénis Lavagne, leur premier match de Ligue africaine des champions contre Uganda Revenue Authorithy. Le public clairsemé salue les gestes de ses idoles par des applaudissements nourris. “ Cette année, nous jouerons la finale sur la scène continentale ”, lance un supporter. Là réside en fait le principal challenge de la saison 2007 de ce club. Il règne depuis plus de 4 ans sur le football camerounais par ses résultats et son organisation.
Créé en 1986 par des employés de la Société de développement du coton (Sodecoton), Coton sport de Garoua fonctionnait au départ uniquement avec un bureau exécutif. Par la suite, un conseil d’administration a été constitué pour chapeauter ledit bureau. Comme dans des équipes européennes, on retrouve notamment dans la seconde instance, un secrétaire général, un directeur sportif, un chargé de mission et un responsable des finances. Le bureau exécutif et l’encadrement technique sont chargés du recrutement des joueurs. Pendant l’inter-saison, des footballeurs sont contactés dans l’ensemble du pays et ailleurs sur la base de la prospection faite tout au long de la saison précédente. Les tests effectués à Garoua permettent de retenir les meilleurs. Ceux-ci viennent se greffer aux anciens et aux juniors surclassés de l’équipe pour former un groupe compétitif. “ Depuis la création du club, nous avons toujours signé des contrats avec les joueurs. Mais au départ, ils n’avaient pas de primes de signature. Au lieu de débourser de l’argent, on préférait les employer à la Sodecoton qui leur versait un salaire régulier. Par la suite, les gens se sont plaints de l’insuffisance du rendement dans certains services. Nous avons donc décidé d’augmenter le budget, question de prendre en charge ces travailleurs et laisser la Sodecoton tranquille. Actuellement, chaque joueur signe un contrat. Il perçoit une prime de signature et ensuite un salaire qui intègre différentes indemnités, en dehors des soins de santé et de l’assurance que l’administration du club endosse ”, note Gilbert Maina, le secrétaire général de l’équipe. Et d’ajouter : “ Les primes d’entraînement s’élèvent à 1000 f cfa et le salaire mensuel à environ 100.000 f cfa. ” Cette offre généralement supérieure pour les étrangers a permis de s’attacher les services de deux Libériens, titulaires en équipe nationale de leur pays, pour la saison à venir.
Le club surfe également sur une vague d’entraîneurs de calibre respectable. Après jules Nyongha, Jean-Pierre Sadi et le Sénégalais Lamine Ndiaye, Dénis Lavagne, un technicien français précédemment en service en Chine. “ Avec lui, nous avons signé un contrat d’un an renouvelable et il n’aura pas moins d’un million et demi de Fcfa par mois. Nous lui avons même promis des bonus selon les résultats qu’il va produire ”, pavoise Maina
Pour tenir le cap, Coton sport de Garoua se dote chaque saison sportive d’un budget compris entre 250 et 300 millions de Fcfa, en dehors de la campagne internationale. Les fonds proviennent de la Sodecoton, des fournisseurs de l’entreprise et dans une moindre mesure des élites du Nord.
Organisés en comités de soutien, les supporters contribuent à travers l’achat des cartes et autres gadgets de l’équipe. “ Nous sommes souvent aussi massivement présents au stade. Quand le club se déplace, nous alertons les comités locaux, mais il va de soi qu’à l’occasion des grands rendez-vous comme la finale de la coupe du Cameroun, nous organisons des charters ”, souligne Baba “ coton ”, un inconditionnel des cotonculteurs.
2- Philanthropie, hégémonie … Iya ?
Pour livrer ses matches de championnat, l’équipe se déplace par avion. Selon Gilbert Maina, “ c’est pour éviter la fatigue. De plus nous logeons dans des hôtels confortables pendant dix jours s’il le faut quand nous descendons dans le Sud. Tout ça fait partie de la motivation. Ce qui n’est pas le cas pour plusieurs clubs camerounais dont les joueurs dorment parfois affamés. ”
Le club fanion du Septentrion évolue sur une pelouse bien gazonnée. “ Nous avons dépensé près de 65 millions pour refaire cette pelouse qui était avant en synthétique et ça fait des jaloux ”, se vante le secrétaire général. Les saisons antérieures, les langues se sont déliées pour créditer l’équipe de Pierre Kapténé d’un atout
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naturel : le climat. Toutes choses que Maina ne rejette pas en bloc : “ entre 1996 et 1999, je reconnais que nous avons eu cet avantage parce que l’effectif était essentiellement constitué des gars du septentrion. Depuis lors, ce n’est plus le cas. Il y a des joueurs venant du sud et des expatriés. Les Nordistes représentent à peine 30%. Vous convenez avec moi que tout seuls, ils ne peuvent pas faire l’affaire. Quand on est compétitif, on ne pose pas ce genre de problème. Lorsque nous allons à l’Ouest, nous jouons souvent dans la boue. A l’étranger, nous jouons souvent à 10° sans nous plaindre ”, explique le Sg du club. Dans le même sens, Dandjouma Bobo Beloko, chef du service des sports de Crtv nord, affirme que le soleil n’est pas un avantage en soi pour Coton sport. Cette équipe gagne la plupart de ses matches décisifs à l’extérieur, particulièrement à l’Ouest.
Selon nos informations, le club jouerait aussi sur une certaine philantropie dans la région pour consolider sa suprématie. “ Avec les trois autres clubs du septentrion, il y a des arrangements. Figurez-vous qu’en 32 journées de D1, Coton a d’office 24 points garantis sur 96 possibles en raison de ses affinités indubitables avec Espérance, Sahel et Université qu’elle aide régulièrement. Lorsque la compétition l’exige, Coton peut hypermotiver un club du septentrion pour découdre coûte que vaille avec un adversaire qui menace les positons de son bienfaiteur ”, dénonce un observateur. D’après Maina, “ Ce sont des équipes sœurs dans la mesure où notre objectif, c’est de promouvoir le sport dans la région. Nous ne lésinons pas sur les moyens pour aider ces formations à fonctionner en leur prêtant des joueurs, en leur donnant des subventions. Et puis, ces équipes n’ont pas les mêmes objectifs que nous. Nous, nous voulons toujours être premiers tandis qu’eux, ils veulent simplement animer la région. ”
Dans la capitale provinciale du Nord, des sources révèlent également certaines pratiques du staff dirigeant de Coton sport : “ lorsque les arbitres viennent ici à Garoua pour une rencontre de championnat, ils sont logés à l’auberge Christella qui appartient à Gilbert Maina. Durant tout leur séjour, ils sont grassement entretenus au point où ils sont prêts à fausser les résultats des matches. Compte tenu de cet entretien suspect, nombreux sont les officiels qui demandent à venir diriger les rencontres ici. Lors de la finale de la coupe de la Caf perdue par Coton à Rumdé Adjia, le central béninois avait refusé une enveloppe de plus de 200.000 Fcfa des dirigeants qui voulaient obtenir ses faveurs ”, lâche un résident de Yelwa proche des milieux sportifs. Interrogé sur cet aspect des choses, Gilbert Maina ne mâche pas ses mots : “ posez-vous d’abord la question de savoir ce qu’on donne aux arbitres au Cameroun avant de juger Coton sport. Je vous rappelle que le Canon a gagné un titre ici, le Tkc nous a vaincus ici plus d’une fois et n’a jamais parlé d’arbitrage ”, s’emporte-t-il. S’agissant des dividendes que le club tirerait de sa proximité avec Iya Mohammed, président de la Fécafoot et directeur général de la Sodecoton, Gilbert Maina est laconique et catégorique : “ même quand il était encore à la ligue provinciale, Coton était déjà au sommet ”, soutient-il.
Mauvais coton sur la scène africaine
C’est en 1993 que Coton sport de Garoua accède en première division après deux tentatives infructueuses au tournoi inter-poules. Le club est sacré champion du Cameroun en 1997, 1998, 2001, 2003, 2004, 2005 et 2006. Il est aussi vainqueur de la Coupe du Cameroun en 2003 et 2004. Mais sur le plan continental, l’équipe ne file pas du bon coton. Cependant, Maina nuance ces échecs : “ en 2003, nous avons joué une finale à Garoua, nous avons été demi finalistes…, personne ne veut s’en souvenir. Sur le plan continental beaucoup de paramètres font défaut aux clubs camerounais. C’est pour cela que depuis plus d’une décennie, aucun de nos clubs n’a remporté une finale continentale. De plus, soyons clairs : quand Canon, Tonnerre ou Union remportaient des trophées continentaux, il y avait des renforts. Les Mangamba,Thomas Nkono renforçaient par exemple le Tkc. J’ai vu une cassette du match Tonnerre contre Stella d’Abidjan qui l’atteste. Autre chose, le gouvernement ne soutient plus les clubs comme par le passé, les meilleurs joueurs s’expatrient et notre championnat commence tardivement. Un club comme Espérance de Tunis a un budget de plus de 6 milliards de Fcfa, pendant que chez nous, le club le mieux loti atteint à peine 300 millions de Fcfa. Vous vous rendez compte ! ”
Par Une enquête de Georges Alain BOYOMO à Garoua
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