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Quartier Logpom : L’échec qui coupe le souffle (10.10.2005)
Les téléspectateurs étaient très sûrs de la victoire du Cameroun contre l’Egypte. L’échec les a surpris et a coupé leur souffle. Ils maudissent Wome Nlend.
Tout homme peut rater un penalty. Or Wome Nlend est un homme. Donc il peut rater le penalty. Effectivement, le défenseur camerounais n’a pas pu porter le Cameroun en Allemagne où se joue l’an prochain le Mondial 2006. On est à la troisième minute des arrêts de jeu de la confrontation Cameroun/Egypte au stade Ahmadou Ahidjo à Yaoundé, comptant pour la dixième et dernière journée des éliminatoires Can/Mondial 2006 ce samedi 08 octobre 2005. L’espoir d’aller à la prochaine coupe du monde de football est presque perdu pour les Camerounais. La Côte d’Ivoire qui se dispute la qualification avec le pays de Roger Milla dans le groupe C mène le Soudan au score (3 buts à 0) alors que l’Egypte a égalisé depuis la 79e minute contre le Cameroun.
Riviera Nostra (un bar très populaire du quartier Logpom à Douala) qui à la reprise de la deuxième mi-temps était en ébullition est tout calme. Il s’est d’ailleurs vidé presque de moitié. Les trois drapeaux du Cameroun hissés dès quinze heures – une heure avant le début du match – à l’entrée du bar ont été décrochés. Plus personne ne porte aucun vêtement à l’effigie des Lions Indomptables. Chacun est nerveux. De l’autre côté de la route, un homme qui a certainement bu une bière de trop vomit abondamment.
Un ratage spectaculaire
Subitement, dans une espèce de cafouillage dans sa surface de réparation, la défense égyptienne commet une faute. Le central malien Koman Coulibaly pointe le rond du penalty. Jubilation totale. Quelques garnements surexcités sautent et boxent au toit une tôle qui vole partout et produit un jingle inextricable. Les dernières personnes qui étaient déjà en train de quitter la buvette regagnent rapidement la salle. Sur EuroSports, la chaîne sur laquelle les supporters de Logpom ont choisi de suivre le match sur écran géant, les commentateurs estiment que la décision de l’arbitre est discutable, avant de se raviser après le ralenti qui montre la faute. Malgré leurs commentaires, Pierre Wome Nlend se saisit du cuir. C’est lui qui a la lourde responsabilité de propulser le Cameroun à sa sixième participation (et cinquième d’affilée depuis Italie 1990) à une phase finale de coupe du monde.
Tout le monde est debout. Quelqu’un entonne l’hymne national du Cameroun, mais il n’est pas suivi. Les cœurs battent de plus en plus fort. Une jeune femme crie “ Attention aux hypertendus !”. Un homme malabar et visiblement saoul suggère de ne pas regarder l’exécution du tir. Il vient d’ailleurs se placer devant le moniteur et barre la vue de son abondant corps. Poussé par un de ses amis, il tombe et refuse de se relever. Au coup de sifflet, Wome tire et … rate. La balle a ricoché sur le montant gauche des buts gardés par le portier Essam El Hadry des Pharaons
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d’Egypte. Le score reste inchangé : 1 pour le Cameroun (but marqué à la 22e minute par Roudolphe Doualla M’Bella), et 1 pour l’Egypte.
Instantanément, un homme s’écroule. Il renverse dans sa chute six bouteilles de bière qu’il avait vidées : deux se cassent et un tesson le blesse légèrement à la main. Il reste couché jusqu’à l’épuisement des deux minutes restantes. De son corps dégouline de grosses goûtes de sueurs : il est fatigué, cassé, épuisé, et pue l’alcool. “ Nous sommes finis ! ”, lance-t-il. Difficile de convaincre les téléspectateurs qu’il ne s’agit que d’un match nul et que le Cameroun a encore devant lui la coupe d’Afrique des nations. “ Les Ivoiriens vont bien se moquer de nous. A quoi cela aurait-il servi d’aller les battre à Abidjan ? ” interroge une dame, la soixantaine approchante.
Wome : un héros national ?
Presque tout le monde a pris congé. Dans le quartier, les rues désemplissent à une vitesse extraordinaire. M. Ekobena qui avait organisé une veillée en chants vendredi et qui a mobilisé plus de deux cents bouteilles de bières pour ses téléspectateurs-invités, dort déjà. Il est environ dix-neuf heures trente minutes. Seuls restent dans le bar les moins émotifs qui débattent du match. Pierre Wome Nlend est livré à la vindicte nationale. “ Ce gars nous a trahis. C’est lui qui, il y a un mois, nous avait fait encaisser en Côte d’Ivoire ; on a failli payer son erreur très cher. Heureusement… Aujourd’hui, c’est le même qui se précipite sur le penalty pour nous mettre hors de cette compétition ”, analyse en enseignant d’éducation physique et sportive.
Mais tous ne sont pas de son avis. Ngallè Priso, stratège en communication, estime que “ Wome a raté comme tout le monde pouvait le rater. ” Pas question donc de le vomir ainsi. Certains suggèrent alors de lire le match dans son ensemble pour comprendre l’échec. D’un débat désordonné mais passionné, il se dégage que les Lions, après avoir dominé le match avec 65% de “ ball possession ” en première mi-temps, ont presque laissé l’initiative aux Pharaons à la deuxième manche ; ils ont ainsi opté pour un jeu défensif pour préserver l’acquis : ce qui était une erreur. “ Nous n’avons eu que 2 véritables occasions de buts, ce qui montre qu’on n’a pas sérieusement attaqué ”, argumentent-ils.
Au-delà de cette lecture populaire, “ Je crois, affirme Ngallè Priso, qu’il faudrait remonter aux conditions de préparation de ces éliminatoires depuis la phase aller. Peut-être que cet échec est le déclic qui permettra enfin de se rendre compte que les Lions c’est l’arbre qui cache la forêt, parce que les victoires obtenues jusqu’ici ne sont pas le fruit d’un travail de fond ou d’une stratégie cohérente et futuriste. ” Auquel cas, Wome serait sacré “ héros national ” dans la mesure où le ratage de son penalty aurait été le déclic qui conduit à la refondation.
Par Alexandre T. Djimeli
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