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Regroupement: Une équipe à reconstruire sur la mémoire de deux fantômes (09.02.2005)
Serge Alain Godong, à Paris
Sans en parler, tous les souvenirs sont à Winfried Schäffer et Pierre Isamël Bidoung, au dépens de qui les joueurs tentent de se faire des habitudes à la nouvelle équipe.
Deux ombres planent sur la tanière des Lions indomptables à Créteil, banlieue résidentielle de premier cercle à la ville de Paris : celle de Windfried Schäffer de même que celle de Pierre Ismaël Bidoung Mkwpat. Le premier évidemment dont le souvenir, souvent douloureux est dans toutes les mémoires ; et le second dont la caricature sert à épier les premiers pas de Philippe Mbarga Mboa, ministre des Sports et de l`Education physique en quête d’une vraie différence et d’une rupture de forme avec ce que certains appellent malicieusement «les anciennes méthodes». «Les choses ne se passeront plus comme avant», promet-il. Même si dans ce qui a été sa première prise de parole, devant les joueurs et le staff, l’ancien président d’Olympic de Mvolye a trouvé de la ressource pour parler pendant… une heure. «Ça commence plutôt fort», lui ont alors fait remarqué certains cyniques.
C’est dire que les mots ne sont pas du tout la chose dont les Lions, leur encadrement technique et leur entourage auront fait l’économie au cours de ces deux premiers jours de regroupement à Créteil. Mots du ministre pour promettre une sérénité plus forte et plus cohérente, ceux du nouvel entraîneur pour préciser ce qu’il attend de ses joueurs, en terme d’engagement et de talent. Les réunions se sont ainsi enchaînées dans la journée de lundi dernier, dans divers salons de l’hôtel, entre des groupes différents au sein desquels circulait la même obsession photographique : donner le sentiment que les choses sont en train de redémarrer dans le bon sens, comme expliquait plus tard Bill Tchato, avec son habituel flegme germanique.
Tranquille donc, pour faire savoir que l’équipe est entre de bonnes mains. Celles, notamment d’Artur Jorge qui a tenu à faire de ses phrases un commerce mesuré, se contentant tout juste de faire savoir que, les joueurs, il ne le connaissait pas encore tout à fait bien, qu’il était au courant que la plupart d’entre eux étaient des hommes de grande qualité et qu’il était convaincu de ce que le challenge de la prochaine Coupe du monde est non seulement envisageable, mais tout à fait à portée de main. «Sinon, appuie-t-il, pourquoi pensez-vous donc que je serais venu à la tête de cette équipe si je pensais que tout était perdu ?». Mise en scène donc en pleine détente. Le spectacle, comme souvent, est venu de celui dont on attend déjà tant devant les buts : Samuel Eto’o qui a trahi la confidence de ce qu’il devra se rendre, dans une semaine en Afrique du Sud, recevoir pour la deuxième année consécutive, le trophée du Ballon d’or africain.
«Un grand merci», a-t-il donc tenu à dire à «Rigo» et aux autres, à «tout le monde qui m’a soutenu dans cette aventure et grâce à qui je réussis à faire ce que je fais aujourd’hui», pour dire avec une humilité apparemment non feinte, qu’il est reconnaissant de tous les apports externes grâce auxquels il arrive à se situer sur les sommets d’où le monde entier l’admire à ce jour. Tout cela ne va-t-il pas faire naître des problèmes de leadership dans le groupe, demande un journaliste mesquin ? «Je ne vois pas ce qui va changer, répond-il. Je suis toujours le même et je resterai toujours le même. Les gens ont l’impression aujourd’hui que je suis un joueur différent parce que je joue à Barcelone, alors même que tout est pareil. Avant, je marquais autant de buts, mais les gens n’étaient pas nécessairement au courant. L’année dernière, j’en ai quand même marqué 18 avec Majorque ; mais aujourd’hui puisqu’on me voit tous les dimanches à la télé, tout le monde a l’impression que c’est différent. Rien n’est différent et je suis toujours le même».
Test
Chez tous les autres, le même regard impassible sur le temps qui passe. Les deux séances d’entraînement, d’une heure chacune, se sont déroulées, dans les matinées de lundi et de mardi, dans une atmosphère de grande détente, on dirait une bande de copains en camping de vacances. Sans doute pressé par le peu de temps disponible, Artur Jorge a semblé vouloir se conduire à l’essentiel, avec des phases de jeu actives, un peu comme pour tester pour de vrai son monde, pour voir rapidement et à peu de frais, qui fait quoi et donc, sur qui il peut compter dans l’immédiat pour une première sélection où 16 millions de personnes l’attendent déjà au tournant. Peu de possibilité dès lors de savoir à quoi ressemblera le onze entrant de ce soir, même s’il est vraisemblable d’envisager
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qu’aucune révolution n’arrive avant quelques mois, en attendant que l’homme ait eu le temps de se construire ses première certitudes. Il ne manquera pas, à cet égard, de bénéficier du renfort d’une garde dont l’effectif a été complété au cours de ce regroupement : d’abord, Jacques Songo’o dont Mbarga Mboa a annoncé qu’il sera désormais en charge des gardiens de but ; et Yannick Noah, apparu lors de la conférence de presse de la mi-journée d’hier, dont on a pu une fois de plus apprécier le charisme, l’humilité et la distinction.
Il a en effet affirmé prendre le temps de découvrir ce nouvel horizon, vouloir vraiment donner tout ce qui est en sa mesure pour la réussite de cette équipe, jouer comme second couteau et non sur la première ligne, et prendre cette affaire avec le Cameroun exclusivement comme un «contrat moral», sans salaire et sans rétribution de quelque nature, par «simple amour» pour son pays et pour le sport, qui pourrait justement justifier qu’il décide de rompre toute collaboration, dès qu’il estimera les méthodes devenues abracadabrantes. Il devrait y avoir une dernière séance d’entraînement à 10h, ce matin, avec la présence de tous les joueurs. Et le soir, naturellement, la grande confrontation pour ce match qui est parti pour avoir des enjeux de taille pour les deux équipes : d’une part, le Cameroun qui veut donner un signal de reprise à son public ; et d’autre part le Sénégal qui rêve de revanche depuis la finale perdue de la Can 2002 au Mali. Les gradins, malgré les températures de saison, culminant à 5° à l’heure où se jouera le match (19h30), sont annoncés pour être aussi bouillants qu’une marmite de bouillie.
Dans la journée d’hier, il n’était presque plus possible de trouver le moindre billet en vente dans toute la ville de Paris. Au double des prix indiqués –entre 10 et 30 euros– le marché noir donnera cependant la possibilité à quelques-uns de se faire une place dans les tribunes. L’espoir, pour ceux-là, de ne pas perdre de leur argent et surtout de leur temps, dans une confrontation de fauves dont l’issue est parfaitement incertaine.
Réactions
Bill Tchato
Une envie de gagner
C’est évidemment un immense plaisir pour moi de retrouver cette équipe qui est toujours, pour nous tous, un moment unique, comme une famille, surtout après tout ce qui s’est passé. Il règne entre nous une ambiance très bon enfant et tout le monde est heureux de se retrouver. C’est un peu comme si on était au pays. On me demande ce qui a changé, alors je dis que c’est tout de même un peu tôt de se prononcer : on n’a eu jusqu’ici que deux séances d’entraînement, au cours desquelles on n’a d’ailleurs pas joué en profondeur ; ce qui ne suffit pas vraiment à dire quel est le profil de l’entraîneur. Je crois que le vrai enjeu est notre prochain match contre le Soudan en mars prochain. On devra être sérieux et motivé, montrer notre envie de gagner. Ce qui ne devrait pas être trop difficile, tout de même.
Jacques Songo’o
Artur, un grand coach
Artur Jorge est incontestablement un grand coach, même si on ne peut pas encore, pour l’instant juger son travail à la tête des Lions. Donnons-lui le temps et on va voir ce que ça va donner. Je pense qu’il peut apporter beaucoup s’il a le temps de bosser. Je remarque toutefois que pour cette reprise les gars sont vraiment concentrés. Il y a un effet positif qui se créé et tout le monde est content. Les gens ont raconté par le passé qu’il y avait des contacts difficiles entre joueurs, ce dont je doute ; en tout cas, ce dont je n’ai jamais entendu parler, moi. Nous sommes là aujourd’hui et allons faire un bon match, question de redonner confiance à notre public et au groupe tout entier. Le vrai enjeu, c’est contre le Soudan en mars. Nous avons quatre points de retard, ce qui n’est tout de même pas dramatique, d’autant qu’il reste jusqu’à cinq matchs.
Eric Matoukou
Donner le meilleur de moi
Je joue en Belgique, dans un club qui s’appelle KRC Genk. Il n’est pas très connu, c’est vrai. C’est ma première sélection dans cette grande équipe. C’est vrai que c’est toujours impressionnant. J’ai trouvé le groupe plutôt sympa, un peu comme si j’étais un de leurs vieux habitués. C’est fou comme tout le monde se montre disposé à me venir en aide. J’avais été souvent sélectionné parmi les Espoirs, mais je continuais à travailler étant donné qu’on me disait qu’à force d’efforts, je finirais bien par rejoindre la grande famille. Je crois que je vais donner le meilleur de moi d’autant plus que l’entraîneur est un ancien joueur de foot, qui comprend les joueurs. Pour la suite, on va voir ce que ça va donner.
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Créteil redonne espoir aux Lions 
