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LIONS INDOMPTABLES : WINFRIED Schäfer EN SURSIS (17.11.2004)
L’entraîneur des Lions joue gros avec son équipe dans son pays d’origine.
Il a pratiquement déjà volé la vedette à ses joueurs. Les Lions indomptables qui ont débarqué lundi à Franckfort, pour leur match de ce mercredi 17 novembre 2004 contre l’Allemagne au Zentralstadion de Leipzig, ont trouvé leur sélectionneur Winfried Schäfer bien au-devant de la scène. Un peu comme si ce match était avant tout le sien, Schäfer est omniprésent. On le veut partout, alors il va partout. Les médias comme le Frankfurter Allgemeine Zeitung qui lui consacre une page entière dans son édition de dimanche dernier, ne le lâchent pas d’une semelle. Lundi, le sélectionneur de l’équipe nationale du Cameroun était même l’invité d’honneur de la fédération allemande de football, pour procéder au tirage au sort de la coupe nationale de football féminin.
Normal. Cet entraîneur reconnu en Bundesliga, qui porte aussi une casquette d’homme politique allemand, est ici sur ses terres. Les Allemands ne sont d’ailleurs pas peu fiers de son expérience au pays des Lions indomptables. Lorsqu’on parle du Cameroun dans la rue, l’Allemand ordinaire répond tout de suite : “ Winnie Schäfer… ”. Sans vraiment s’en rendre compte, les Allemands ont ainsi fini par faire de leur compatriote un des enjeux de ce deuxième Cameroun – Allemagne. Ce match amical avait justement été conclu à l’occasion de l’arrivée de Schäfer à la tête des Lions indomptables en 2001. Les deux sélections devaient s’évaluer avant la Coupe du monde 2002, dans une confrontation historique prévue pour rapporter 250 000 Euros à la Fédération camerounaise de football (environ 162,5 millions de fcfa), de quoi payer le salaire du nouveau sélectionneur. Le Cameroun et l’Allemagne ayant finalement été tirés dans la même poule au Mondial 2002, le match avait été remis à plus tard.
Désamour
Ce mercredi, les Lions indomptables ont l’occasion de prendre leur revanche sur la Mannschaft qui leur avait infligé un cuisant 2-0 au Japon, et ainsi, se refaire une santé et un moral après une phase-aller des éliminatoires de la Coupe du monde 2006 qui aura été catastrophique pour eux. Occasion aussi de glaner de précieux points au classement Fifa où ils ont été rétrogradés de la 14e à la 22e place, étant même désormais devancés par le Nigeria (21e). Mais, davantage que les Lions, Winfried Schäfer joue son avenir camerounais à Leipzig. Si son équipe y montre un nouveau visage, il pourrait bien décrocher un autre sursis. Dans le cas contraire, l’Allemand aux longs cheveux blonds fera ses valises pour que le Cameroun entame en mars 2005 la phase-retour des éliminatoires de la Coupe du monde 2006 avec un autre esprit.
“ Ce match scellait l’amitié sportive germano-camerounaise. Il sera aussi celui des adieux à Schäfer ”, s’amuse un membre de la Fécafoot. Plus que jamais, l’Allemand est sur un siège éjectable. Les résultats de la sélection sont mauvais. Les Lions pointent à la troisième place de leur poule, à quatre points de l’ogre ivoirien. Suffisant, pour que le public camerounais prenne Schäfer en grippe, lui reprochant les choix parfois approximatifs de joueurs et un système de jeu brouillon. Des choix que même les joueurs, à l’instar de Modeste Mbami, comprennent et supportent de moins en moins. Pour ne rien arranger, la fédération qui lui a accordé un nouveau bail de deux ans en janvier dernier est désormais disposée à l’écourter. Le 21 octobre dernier, en effet, Iya Mohamed, le président de la fédération a tenu à Paris une réunion avec le sélectionneur et l’équipementier Puma, dans les bagages duquel Schäfer était arrivé, pour signifier à celui-ci que la Fécafoot n’est plus satisfaite de son travail. Une interpellation en signe d’ultime avertissement.
Baisse de régime
On est ainsi très loin du fol amour des premiers mois de l’ère Schäfer. L’Allemand était arrivé au Cameroun en 2001, avec une solide réputation : il avait découvert Oliver Kahn et Oliver Bierhoff, entraîné Diego Maradona, dirigé une équipe allemande en coupe d’Europe et reçu à deux reprises le titre de meilleur entraîneur d’Allemagne. On pouvait le dire, le Cameroun recrutait enfin un entraîneur confirmé pour son équipe nationale. Très vite, Winfried Schäfer a mérité son rang en menant les Lions à une quatrième
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couronne continentale à la Can 2002 au Mali où ils ont affolé les statistiques : 6 matches, 6 victoires, meilleure attaque (9 buts) et 0 but encaissé. Une performance sans précédent.
Mais, à la Coupe du monde 2002, les Lions que les pronostics voyaient au moins en demi-finale, ont finalement fait pâle figure et tout s’est écroulé. Winfried Schäfer a bien tenté de recoller les morceaux avec une rigueur défensive certaine qui a conduit le Cameroun en finale de la Coupe des confédérations en France. Seulement, la Can 2004 en Tunisie est venue révéler les limites d’un groupe rajeuni à près de 60 % qui bredouille son football entre une défense poreuse, un milieu hésitant et une attaque stérile, malgré la présence d’un Samuel Eto’o euphorique. Les éliminatoires de la Coupe du monde 2006 ne cessent de confirmer cette descente aux enfers.
Ingérence
Comment comprendre une telle baisse de régime d’une sélection appelée pourtant à jouer les premiers rôles dans le football mondial ? Dans son long entretien avec le Frankfurter Allgemeine Zeitung, Winfried Schäfer pointe du doigt l’organisation administrative très approximative de l’équipe nationale. Il cite en exemple le match amical perdu (0-3) cette année contre la Bulgarie, où la sélection était arrivée à une heure du match, avec seulement 15 joueurs, parce que des dispositions n’avaient pas été prises à temps pour faire voyager tous les Lions sélectionnés. L’Allemand raconte tout le mal qu’il a à percevoir son salaire et à se faire rembourser ses billets d’avion lorsqu’il parcourt l’Europe pour superviser les joueurs camerounais. Mais encore, il accuse ouvertement le ministère de la Jeunesse et des sports et la fédération d’ingérence dans la sélection des joueurs.
“ Je choisis les joueurs, le ministère et la fédération en choisissent d’autres ”, se plaint-il, citant en exemple le cas des gardiens de buts : “ Un jour, le ministre m’appelle pour me demander de faire jouer Souleymanou, parce que Kameni n’est pas un bon gardien. Et, comme Kameni est blessé, je fais jouer Souleymanou. Un autre jour, le même ministre m’appelle pour me demander de faire jouer Kameni parce qu’il joue bien en Espagne ”. Winfried Schäfer aurait bien aimé aligner Raymond Kalla – de loin le meilleur camerounais en championnat allemand depuis trois saisons – pour ce match Cameroun – Allemagne, mais le ministère s’y est opposé vigoureusement, corrigeant même la liste du sélectionneur devant ses deux adjoints camerounais. Pendant longtemps aussi, Winfried Schäfer a dû payer de sa poche le salaire de Mücke, le préparateur physique de l’équipe dont il s’est finalement résolu à se séparer privant les Lions de son expertise qui savait rattraper leurs excès.
Rester à tout prix
“ C’est vrai, on en a fait avaler des couleuvres à Schäfer ”, reconnaît un membre influent de la Fécafoot qui s’étonne que l’Allemand n’ait jamais songé à démissionner. Schäfer lui, dit vouloir aller à la Coupe du monde 2006 dans son Allemagne natale avec cette sélection dont il trouve les joueurs patriotes, attachants et motivés. “ Un jour, alors que nous étions dans le bus à 10 minutes du stade, Eto’o s’est levé pour motiver ses coéquipiers et s’est mis à chanter ‘’ Monsieur le ministre, donnez-nous l’argent, donnez-nous les primes’’, et tout le monde s’est mis à chanter pour tuer le trac ”, raconte-t-il, assurant avoir envie de vivre et revivre encore ces moments de bonheur.
Et pourtant, Schäfer sait que son heure peut sonner à tout moment, même ici en Allemagne. D’aucuns lui prêtent l’ambition de chercher déjà un point de chute. Après ses négociations avortées avec l’Egypte, n’a-t-il pas récemment fait un appel du pied à l’Ecosse, suite au départ de son compatriote Berti Vogts de son poste de sélectionneur écossais ? Et pourquoi pas ? Schäfer le dit lui – même : “ il est plus facile de rester 10 ans à un poste d’entraîneur en Bundesliga, que 3 ans à un poste de sélectionneur en Afrique ”. Depuis le mois de septembre, il détient le record de longévité au poste d’entraîneur des Lions indomptables, depuis le premier passage de Claude Le Roy. Il est surtout le sélectionneur en activité le plus ancien à son poste dans tout le continent africain. Jusques – à – quand ?
Par Ambroise EBONDA à Leipzig
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Qui succèdera à Schäfer ? 
