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Iya Mohammed : « Je suis mal compris » (28.03.2009)
Simon Pierre ETOUNDI - Brice MBEZE
Iya Mohammed. Ce nom est étroitement lié au football national des dix dernières années. Le patron de la Fédération camerounaise de football fait la une des journaux presque chaque semaine. Mais il faut reconnaître que ce qui est dit sur lui n’est pas toujours très flatteur. En effet, les relations tumultueuses que la Fécafoot entretient avec le ministère des Sports et de l’Education physique ont fini par classer, le boss du football camerounais dans la catégorie des fossoyeurs de l’ordre public. Les plus hardis de ses pourfendeurs disent même que de lui que c’est un ennemi du gouvernement. Pas moins. L’intéressé s’en défend sans passion, mais fermement. Pour lui la plupart du temps, il défend juste ses idées.
En tout cas, il est difficile de ne pas prêter une oreille à ses dires. Car, Iya Mohammed n’est pas seulement le président de la Fécafoot. L’homme pense du reste que quand on est directeur général de la Société de développement du Coton (Sodecoton) depuis plus d’un quart de siècle et du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), il est difficile d’être un « hors la loi ».Mais personne n’est parfait ! L’homme fort du football national est bien le premier à le reconnaître.
D’ordinaire taiseux devant les médias nationaux et même internationaux, il a bien voulu répondre à une sollicitation de CT pour décliner sa vision du football camerounais, de l’économie nationale et internationale et sa vision de simple citoyen. Il a fallu du temps pour lui tirer les vers du nez. Mais le résultat final en vaut la chandelle. Iya Mohammed s’est épanché sans faux-fuyant. Offensif, parfois malicieux, mais surtout serein, nous redécouvrons ensemble, un homme dont on parlera encore dans les jours à venir.
Vous êtes DG de la Sodécoton, président de la Fécafoot, militant du RDPC, agriculteur, éleveur, quelle est la casquette qui vous convient le mieux ?
Directeur général de la Sodécoton, et accessoirement président de la Fédération camerounaise de football.
L’entretien se déroule à votre bureau de la Fécafoot, un endroit que vous ne fréquentez pas régulièrement. Cela fait combien de temps que vous n’êtes pas venu ici ?
Quand je suis à Yaoundé, je passe au bureau tous les jours. Ces derniers temps je suis en moyenne deux fois par mois à Yaoundé.
Après plus de dix ans à la tête de la Fécafoot, ne ressentez-vous pas une certaine usure du pouvoir ?
J’avoue que non. J’ai encore des défis à relever. J’ai des projets qui me tiennent à cœur. J’aimerais les réaliser.
Quels sont ces projets ?
Le premier est la professionnalisation du football camerounais. On a amorcé le travail mais on est encore loin de nos objectifs. On pensait qu’avec l’avènement de GTV, on allait commencer sérieusement à rendre ce football très professionnel. Ceci n’a pas marché. Mais, nous sommes toujours en contact avec d’autres partenaires. J’espère que ça va aboutir. En plus de cela, je pense également qu’il nous faut construire un siège digne de ce nom, même si nous sommes quand même dans un cadre confortable. Je vois les sièges des autres fédérations. Le Cameroun mérite mieux. Nous avons un autre projet aujourd’hui, celui des infrastructures sportives. Là, également, il y a beaucoup de choses à faire. Maintenant, si l’Etat décide de jouer son rôle en fournissant davantage d’infrastructures en qualité et en quantité, je pense que la fédération peut compléter cette action au niveau des ligues régionales. Le troisième objectif est la vulgarisation du football au niveau des écoles primaires, secondaires. Il faut aussi réorganiser les écoles de football et poursuivre l’amélioration de la gestion tant au niveau des ligues départementales et régionales qu’au niveau national.
Votre image ne passe pas bien au niveau du grand public. Comment appréciez-vous, vous même l’image que vous renvoyez ?
Je suis conscient que je suis très, très mal compris. Peut être que je ne communique pas assez. Mon sentiment ici est que quand on en vient au football, on me considère comme quelqu’un qui est contre le gouvernement. Ce qui n’est pas le cas. Avoir des avis différents de ceux d’un ministre ne signifie pas forcément qu’on est contre le gouvernement. Pourtant, ceux qui me connaissent savent que je suis fortement impliqué dans la gestion et la marche des affaires publiques du pays. Je suis mal compris. Je ne sais pas ce qu’il faut faire. Je pense aussi que dans cette incompréhension, il y a aussi une bonne dose de mauvaise foi parce qu’aujourd’hui, à l’heure H, il faut regarder le bilan. Le Cameroun demeure le premier pays africain au classement FIFA. C’est un fait. Le Cameroun demeure le deuxième pays africain qui a remporté le plus grand nombre de Coupes d’Afrique des nations derrière l’Egypte. C’est un fait. Les clubs camerounais ne se comportent pas aussi mal que ça. Dire que le football ne marche pas, c’est franchement la mauvaise foi. Je considère que le foot camerounais est le deuxième en Afrique, derrière l’Egypte.
Le meilleur exemple de cette incompréhension est illustré par les relations toujours tumultueuses entre le MINSEP et la Fécafoot. Qu’est-ce qui fait problème ?
C’est cette tendance à ne pas accepter que le football a beaucoup évolué. C’est la FIFA qui est le maître absolu pour tout ce qui concerne la gestion du football mondial. Une partie de ses compétences est dévolue aux fédérations. Ça c’est un fait. Vous ne pouvez rien faire contre çà. J’ai le sentiment que certains fonctionnaires du ministère ne veulent pas admettre cela. Chacun a un rôle à jouer. Il ne doit pas y avoir de chevauchements de compétences.
L’Etat est le principal bailleur de fonds de ce football. Pourquoi la fédération lui conteste-t-elle le droit de regard ?
En ce qui concerne les matches internationaux, la CAF et la FIFA prennent des dispositions pour fournir le minimum aux équipes nationales. La Fécafoot prend également des dispositions pour s’assurer que les compétitions se jouent de manière efficace. Il s’avère néanmoins que l’Etat préfère injecter beaucoup d’argent dans le football. Là, évidemment, la fédération n’a pas assez de moyens pour suivre dans cette voie, dans cette surenchère. Certainement pour des raisons qui doivent arranger certains cadres qui entourent ces équipes nationales. La Fécafoot ne peut pas débourser 50 millions pour chaque Lion indomptable. C’est là que nous disons que cette politique là n’est pas bonne. La prime de deux ou trois joueurs suffirait largement pour encadrer les équipes de catégories inférieures.
La Fécafoot suscite beaucoup de convoitises. Peut-on dire qu’elle est une vache à lait
Je ne sais pas. Vous connaissez dans quel état j’ai trouvé la fédération. Il n’y avait rien. Il n’y avait que des dettes. Aujourd’hui, la fédération a des moyens pour mener ses activités. On peut dégager deux à trois milliards par an.
Beaucoup d’observateurs estiment que cet argent n’est pas bien géré…
Personne n’est en mesure de parler de la gestion de la fédération en dehors des membres de l’assemblée générale. Et ils sont connus. Personne n’est en mesure de critiquer la gestion de la fédération en dehors des commissaires aux comptes de la fédération. Le ministère ne peut pas nous interpeller dans la gestion puisqu’il ne contribue pas dans la mobilisation de cet argent.
Il se dit également que vous êtes mal entouré et que vous avez mis en place une organisation familiale…
M. Blatter a ses collaborateurs. Il a des gens qui l’écoutent. Il a des hommes de confiance. M. Issa Hayatou, c’est pareil. Permettez moi aussi d’être entouré des gens en qui j’ai confiance. C’est un problème de feeling. Ceux qui sont proches de moi sont aussi des élus. Je ne peux pas écarter quelqu’un pour la simple raison qu’il n’est pas accepté auprès du grand public. Chacun apporte une contribution pour se faire élire. Il est tout à fait normal qu’il puisse bénéficier des retombées.
Les détracteurs estiment que vous avez verrouillé le jeu et que les membres de l’assemblée générale vous obéissent au doigt et à l’œil, au point où les réunions du Comité exécutif et de l’AG, véritables chambres d’enregistrement au goût de certains, se terminent toujours par des motions de soutien. Cela ne vous gêne-t-il pas ?
Je ne vois pas pourquoi ça doit me gêner. Vous savez combien de « tentatives de coups d’Etat » auxquelles nous avons échappé. A l’intérieur, les gens ont tenté plusieurs fois de se révolter. Il y a deux ou trois ans, j’ai failli être mis en minorité. Seulement, j’ai pu retourner la situation. Ce n’est pas facile. Je ne pense pas qu’il y a une institution dans notre pays qui connaisse autant de tentatives de déstabilisation que la Fécafoot. Le fond du problème c’est : « ôtez-vous, on vous remplace ». Mais, on n’a pas d’arguments qui tiennent.
L’élection du président de la Fécafoot se profile à l’horizon. Etes-vous serein à quelques semaines de cette échéance ?
On ne peut jamais être certain de quoi que ce soit quand quelque chose touche aux élections. Ce qui est important c’est que chacun a ses armes, ses qualités. Il revient à l’assemblée générale de faire le choix. Je pense que j’ai des arguments. J’ai également des défauts. J’espère que les aspects positifs dont je dispose sont de nature à convaincre les membres de l’assemblée générale à porter leur choix sur mon nom. Mais, je n’ignore pas que le choix ne sera pas facile. Les onze dernières années, ça été toujours pareil. Je ne me décourage pas. Malgré tout, il y a les gens de bonne foi qui reconnaissent que ce qu’on fait est bien.
Revenons un peu sur deux dossiers : l’affaire Puma qui a engendré le retrait de six points aux Lions indomptables et la gestion des crédits du projet Goal très décriée. Peut-on avoir une idée sur ce qui s’est réellement passé ?
Sur l’affaire Puma, je n’y suis pour rien. Absolument pour rien. En réalité, Puma avait obtenu l’accord de l’organisateur de la CAN à savoir la CAF et la tenue avait été agréée par le directeur technique de la FIFA. M. Issa Hayatou a eu l’occasion devant témoins de dire au ministre Bidoung Mkpatt que cette tenue était agréée. Je ne suis que victime de ce combat de chefs entre Hayatou et Blatter. Mais, la vérité finit toujours par triompher dans la mesure où le procès Puma et la Fifa a fini par aboutir. Finalement, il y avait eu un arrangement à l’amiable. L’affaire s’est réglée de cette façon. Mai, j’avais été très touché. Si cette situation n’avait pas trouvé de solution avant le début des éliminatoires, vous pouvez imaginer les conséquences… Ce que je regrette sincèrement, c’est que les gens étaient très passionnés. Les gens avaient perdu raison. Nous avons été condamnés sans pour autant être entendus. On a tenté d’expliquer, mais en vain ( …)
Pour ce qui est du Projet Goal FIFA, j’avoue que dès le départ, on a été handicapé par le choix du terrain. On avait acheté 10 hectares. Mais, ce terrain est situé dans une zone accidentée, marécageuse. A
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partirde cela, à peu près 50 à 60 % du budget programmé était utilisé pour l’aménagement. Je pense qu’on avait sous-estimé les problèmes de viabilisation du terrain. Notre souci était de ne pas s’éloigner de Yaoundé. On a commis vraiment une erreur en choisissant ce site. Deuxième chose. Il y’a également eu incompréhension sur le choix de l’entrepreneur entre la FIFA et la fédération. On pensait que le choix de l’architecte revenait à la FIFA. Or, il s’avère finalement que la FIFA ne tenait pas absolument à ce qu’on travaille avec cet entrepreneur qui n’a pas été correct avec la fédération. On a perdu énormément d’argent dans cette affaire. Depuis un mois, tout est là. Le gazon synthétique de classe internationale a été posé. Les bâtiments aussi. A tout moment, on peut l’utiliser. Mais, ça nous a coûté cher.
On va bientôt amorcer le dernier tour des éliminatoires couplées Can/Coupe du monde 2010. Le Cameroun a-t-il des chances d’aller en Afrique du Sud ?
Evidement. Je pense qu’on va passer. Mais, ça ne sera pas facile. Il faudra réunir toutes les conditions dès à présent. Cependant, il s’avère que nous avons sur notre chemin le Maroc. Ce qu’il lui manque sur le plan sportif est toujours compensé par la qualité de l’organisation. En revanche, nous péchons sur le plan organisationnel. Mais sur ce point, il y a un léger mieux. Il faut tout faire au niveau de l’encadrement, des joueurs. Beaucoup tiennent à être présents en Afrique du Sud parce que la coupe du monde 2010 sera la dernière compétition pour beaucoup d’entre eux.
Le Cameroun doit y aller avec quelles ambitions ?
Notre objectif a toujours été d’atteindre les demi-finales. On aurait pu le faire en 2002. Par notre faute, on n’a pas pu le faire, à cause de cette histoire de primes. Pour moi, on y va pour atteindre au moins les demi-finales.
Cela fait une trentaine d’années qu’un club camerounais n’a plus gagné une coupe d’Afrique. Comment appréciez-vous cette situation ?
Je suis satisfait du comportement des clubs camerounais. On ne peut pas dire que les clubs camerounais se comportent mal sur la scène africaine. Il y a deux années, pratiquement tous nos clubs avaient atteint les demi-finales. Canon, Tonnerre et Coton ont disputé chacun la finale de coupe de la CAF. L’année dernière, Coton est arrivé en finale de la Champions League. On ne peut pas dire que notre football n’est pas performant. Maintenant, l’organisation laisse à désirer. Tout simplement parce que les clubs n’ont pas de moyens. Beaucoup fonctionnent avec un budget de 50 à 100 millions. Il faut absolument accroître les ressources de ces clubs. A partir du moment où le club appartient à quelqu’un, c’est très difficile de prendre les ressources soit de l’Etat, soit de la fédération pour les confier à un individu. D’où la nécessité d’une réforme importante. Et puis, il n’y a rien de honteux à voir l’Etat aider les clubs. Au Gabon, par exemple, chaque club reçoit une subvention de 65 millions par an. Une partie va à la Ligue, qui, elle même reçoit en plus une subvention de l’Etat. Si nous tous, reconnaissons ce que le football a apporté à notre pays, je pense qu’un budget d’un milliard 400 millions dans le budget du Cameroun n’est pas de trop.
On vous accuse de vendre le football au rabais. De l’avis des spécialistes, les contrats signés avec les différents sponsors sont minorés par rapport au potentiel et à la valeur marchande du football camerounais…
Je ne vends pas le football camerounais au rabais. Du moment où on fait croire à celui qui vient solliciter les services de ce football que je ne suis pas le bon interlocuteur, il se pose des questions et prend néanmoins le risque en signant un contrat avec moi. C’est l’occasion pour moi de remercier nos principaux partenaires que sont Puma, Orange Cameroun et Les Brasseries du Cameroun pour les sélections nationales et Mtn Cameroon pour les compétitions locales et le programme d’infrastructures. Sans toutefois oublier tous les autres qui nous ont toujours fais confiance. Si on nous apportait cette collaboration franche et sincère et qu’on reconnaît que la gestion du football camerounais dans son intégralité revenait à la fédération, on allait mieux vendre ce football. C’est ça mon combat. Si certains pensent même que ce n’est pas la fédération qui doit signer ces accords, personne ne peut prendre le risque de traiter avec une fédération dont ses engagements risquent d’être remis en cause. La fédération n’est pas maîtresse absolue du fonctionnement des équipes nationales. C’est là le problème. Moi, je dis : faites-nous confiance. Donnez-nous le pouvoir à tous les niveaux. On fera mieux. Mille fois mieux.
Vous êtes DG de la Sodécoton, sponsor de Cotonsport, président de la Fécafoot. Il y’a là un conflit d’intérêt manifeste…
Vous connaissez Berlusconi ? Il est le chef du gouvernement italien. Le Milan AC lui appartient. Je ne vois pas là où il y a le conflit. L’histoire a voulu que je sois le DG de la Sodécoton. Et je ne peux ne pas soutenir ou investir dans un club qui appartient à la Sodécoton. Je pense que c’est un faux procès, un mauvais débat. Ce n’est pas pour autant que je favorise d’une manière ou une autre Coton Sport. Beaucoup de fois, j’ai été emmené à trancher en faveur de ceux qui sont en litige avec Coton Sport.
Depuis 1984, vous êtes DG de la Sodécoton. Comment se porte la filière coton ?
Le secteur du coton se porte très mal. Pour deux raisons. D’abord pour des raisons de subvention. Chaque année, le gouvernement américain met 4 milliards de dollars pour subventionner leurs producteurs qui sont donc encouragés à produire davantage dans la mesure où ils ne perdent pas de l’argent. Quels que soient les montants de leurs pertes, le gouvernement américain couvre ces pertes. C’est une activité très rentable. Ce n’est pas seulement les Américains qui soutiennent leurs agriculteurs. Les Européens aussi. Le fait aussi que nous vendons en dollars nous pénalise. En plus, le fait aussi qu’on soit dans la zone Franc constitue un handicap. Il faut reconnaître qu’au prix actuel, il y a des pays qui s’en sortent, même ceux qui ne bénéficient pas de subvention. Les sociétés cotonnières de Tanzanie, du Zimbabwe, de la Zambie sont rentables parce qu’elles ne sont pas liées au franc CFA. Chaque année, l’ensemble des treize pays de la zone franc, producteurs de coton perdent 200 milliards par an, ceci depuis quatre ans. Le fait d’appartenir à la zone Franc qui a une parité fixe avec l’Euro nous pénalise. D’où la nécessité au niveau du Cameroun de l’implication de l’Etat. Nous demandons à ce que l’Etat nous aide en subventionnant ne serait-ce que les engrais parce que la situation n’est plus tenable. Il y’a des milliers de personnes qui ne vivent que de ça.
L’association africaine des producteurs de coton vient de tenir ses assises en Tanzanie. Quelle est la position de ce regroupement face à la crise du coton ?
C’est une rencontre qu’on tient chaque année. L’association des producteurs de coton regroupe outre les dirigeants, mais aussi les négociants, encore appelés traders et les banquiers qui financent les crédits de campagne. Pour acheter le coton camerounais, il faut absolument passer par un trader. Nous nous regroupons chaque année, pour défendre nos intérêts. Si l’autorité camerounaise me donne l’autorisation, cette réunion aura lieu au Cameroun l’année prochaine. Du moins, c’est le désir exprimé par les participants. La seule région qui n’a pas organisé jusque-là les assises, c’est l’Afrique centrale. Il est question de valoriser davantage notre activité.
Lorsqu’on a passé 25 ans à la tête d’une société, quel est le réflexe lorsqu’on se lève le matin ?
Il y a toujours des défis. Lorsque je suis nommé DG de la Sodécoton, la production était de 79.000 tonnes. Le combat était qu’il fallait produire davantage. En 2004, nous avons produit 306.000 tonnes. L’année dernière, nous sommes tombés à 114.000 tonnes. Cette année, on va monter à 150.000 tonnes. A l’époque, on avait six usines d’égrenage. Aujourd’hui, on en a 9. On a investi. Il faut s’ajuster. Le monde entier est en crise. Les banquiers qui ont l’habitude de nous prêter chaque année 50 à 60 milliards n’ont plus assez de liquidités. Certaines de ces banques sont en faillite. Donc, on a les difficultés pour obtenir les crédits de campagne. Ceux-ci sont octroyés parce qu’il faut mobiliser les ressources nécessaires pour produire, désintéresser les planteurs, le produit de la vente n’étant recouvré que plus tard. Il y a des difficultés tous les jours. Avec la Fécafoot, c’est pareil. Le problème de 2000, ce n’est plus la difficulté d’aujourd’hui. A l’époque, on en était à se demander comment on fait pour rembourser les dettes, comment on fait pour payer 46 mois d’arriérés de salaires ? Chaque jour a ses problèmes. La vie est un combat permanent.
Votre engagement au RDPC est-il une affaire d’opportunisme ou de conviction ?
C’est d’abord une affaire de conviction puisqu’il faut adhérer à un idéal, à un projet politique incarné par le président Paul Biya. Ensuite, il faut être réaliste. Il faut savoir faire le bon choix. Le RDPC demeure le seul parti à se soucier du bien être des Camerounais.
Pour sortir de cet entretien, certaines langues estiment que vous êtes assis sur deux matelas d’argent, à la Fécafoot et à la Sodécoton. Vous infirmez ou vous confirmez ?
Un franc, c’est de l’argent. 10 milliards, c’est de l’argent. Sur le plan technique, ils ont raison. Maintenant, il faut relativiser les choses. Si mes besoins sont de 100 milliards et que je n’en ai que 50, évidemment, cet argent ne suffit pas. Effectivement, à la fédération, nous sommes à l’aise dans certains domaines. C’est fini cette fédération où les gens travaillent pour rien. Aujourd’hui, on a quand même un budget de 2 à 3 milliards qui nous permet de réaliser nos objectifs annuels. A la Sodécoton aussi jusque-là, nous sommes à l’abri de petits besoins. On paie les salaires, on développe. On investit. Mais, tout ceci c’est parce que nous sommes prudents dans notre gestion. Je ne connais pas une seule société au Cameroun qui peut perdre en une seule année 10, 20 milliards et poursuivre ses activités. Quand on gagnait de l’argent, on ne dépensait pas. On gardait pour stabiliser les prix du coton. Notre credo : simplicité dans la gestion, prudence, prévoyance.
On vous prête des ambitions qui dépassent le cadre de la Fécafoot. Vous vous fixez quelle limite ?
Que ça finisse bien dans tout ce que je fais. Après avoir connu tant de succès, il ne faut pas que je rate la dernière marche. C’est ça mon souci. C’est important. J’ai des ambitions évidemment. Mais, elles doivent être mesurées. Je suis heureux. Je suis satisfait. Je ne me plains pas de la vie. Je remercie Dieu. Tout ce que je peux avoir de plus, c’est la cerise sur le gâteau. Mais, je me fais aussi de soucis par rapport à la morosité ambiante. Si vous êtes bien et que les gens sont malheureux autour de vous, cette situation doit vous affecter d’une manière ou d’une autre.
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