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Inconstance: Les crises du football camerounais sont cycliques (18.02.2005)
Les Lions sombrent toujours au lendemain de leurs brillantes performances.
L`histoire du football camerounais est jalonnée de hauts faits, d`exploits et de moments de gloire. Elle est aussi faite d`échecs et d`incertitudes; elle est surtout parsemée de crises multiples et multiformes. Celles-ci sont itératives et cycliques. Nous pouvons les classer en deux catégories : les crises de fin de génération, et les crises de lendemains de victoire. Les dernières qui paraissent paradoxales vont constituer la matière de notre réflexion.
Un regard un tant soit peu curieux sur le football camerounais nous a amené à faire un constat récurrent : Les Lions Indomptables connaissent toujours une baisse de régime après chacun de leurs sacres ou grande victoire sportive. Pour donner du lustre à notre assertion, il nous a semblé utile de prendre et d`analyser les résultats du Cameroun au lendemain de 7 compétitions au cours desquelles ils se sont illustrés positivement : Coupe du monde 1982, Can 1984, Can 1988, Can 2000, Can 2002, et Coupe des Confédérations 2003.
Espagne 1982
Le Cameroun revient au bercail, auréolé de gloire, après trois matches sans défaite, face au futur champion du monde, l`Italie et le 3ème de la compétition, la Pologne. Le 1er rendez-vous après le Mundial espagnol a lieu à Maputo, où les lions affrontent le Mozambique, aux éliminatoires de la 14ème coupe d`Afrique des Nations. Les Camerounais encore dans un nuage sont laminés (0-3). Le Match retour synonyme d`élimination directe a lieu deux semaines plus tard à Yaoundé, devant 100000 supporters qui refusent de douter ; la Cameroun parvient à combler son retard et à se qualifier (4-0). Mais on a eu chaud !
Abidjan 1984
Le Cameroun rentre d`Abidjan avec le trophée de la Can, son tout premier après trois participations infructueuses. Il a à peine digéré son sacre qu`il doit représenter l`Afrique au tournoi de football de la 23ème Olympiade à Los Angeles. L`équipe conquérante en Côte d`Ivoire 5 mois plus tôt est méconnaissable. Trois matches, deux défaites (Yougoslavie et Canada) et une victoire (Irak). La crise qui commence là va culminer lors de l`élimination du Mundiale mexicain par la Zambie au mois d`avril 1 985.
Casablanca 1988
Les lions ont reconquis la coupe des nations. Pendant deux mois, ils effectuent le tour du Cameroun pour présenter le trophée à leurs compatriotes de l`arrière-pays. Après les fastes en province, ils sont appelés à prendre part au tournoi de football de l`Udeac à Yaoundé, et à Douala. Cette équipe n`a rien à voire avec celle qui a conquis tout le royaume chérifien. Après un parcours tumultueux dans sa poule, elle échoue sans gloire face au Gabon, devant tous les chefs d`Etat de la sous-région réunis.
Italie 1990
Le Cameroun vient d`effectuer un Mundiale féerique. A leur retour, les joueurs sont fêtés, adulés et décorés par le Chef de l`Etat. A peine sortent-ils du rêve de l`été italien qu`ils sont appelés à affronter le Mali à Yaoundé dans le cadre des éliminatoires de la CAN 1992. Les lions sont inattendument inefficaces devant les Aigles de Bamako (0-0). C`est le début d`une autre crise qui les affectera 2 ans plus tard à Dakar, avec une Can sans génie ; et C`est sans surprise qu`ils manqueront leur qualification pour Tunis 1994.
Accra-Lagos 2000
Absent des tablettes africaines pendant 10 ans, le Cameroun renoue avec la victoire en 2000. Les lendemains de Lagos semblent tonitruants. Pour une fois, les lendemains sont chanteurs :enfin l`exception pensons-nous : 3-0 à tripoli face à la Libye, 5-0 et 3-0 devant l`Erythrée. Un tournoi olympique d`anthologie avec les espoirs à Sydney, puis un match de rêve contre les bleus de France, champions du monde et d`Europe ;très vite pourtant, les vieux démons vont rattraper les Camerounais. Akono Jean-Paul a remplacé Pierre Lechantre. Les Lions se remettent à jouer sans panache, et à gagner sans convaincre. Et quand les défaites arrivent, elles sont impitoyables : 0-2 à Luanda, devant l`Angola. Même score deux fois à la coupe des confédérations nippo-coréenne devant le Brésil et Le Japon, malgré le retour de Pierre Lechantre, successeur d`Akono. Le Français sera lui-même remplacé par son compatriote Corfou, lors du dernier match de qualification pour la coupe du monde 2002. Ouf ! Quelle crise !
Bamako 2002
Les Lions, pour la première fois, alignent deux sacres consécutifs. A ce titre, ils sont exemptés des éliminatoires de la CAN tunisienne. Le public les oublie un moment. Quand ils finissent par retrouver le circuit, c`est pour livrer une rencontre amicale désastreuse contre la Côte d`lvoire.(0-3)
France 2003 (coupe des confédérations)
Les Lions reviennent de Paris couverts de gloire et d`honneurs. Ils n`ont été stoppés qu`en finale par la France, non sans avoir eu un énorme capital de sympathie à travers le monde, suite au décès accidentel de Marc Vivien Foé lors de la demi-finale contre la Colombie. Les Camerounais ont les yeux de Chimène pour leurs vedettes. Sepp Blatter en personne vient les consoler. Malgré le choc, le jeu doit continuer.
Il y a la Can tunisienne à préparer. Le premier match post parisien est une débâcle : 0-3 contre la Bulgarie. Cette morosité se poursuit en Tunisie, avec une Can bien laborieuse. Après leur élimination en quart de finale, les Lions sont sanctionnés par la Fifa pour avoir arboré des maillots non-conformes.
Leur sanction levée, ils entament sans conviction les éliminatoires couplées Can-Coupe du monde 2006, avec 2 défaites, deux nuls et deux victoires. Ils sont enfin laminés en rencontre amicale par l`Allemagne en novembre 2004. C`est ce dernier Tsunami qui emportera l`allemand Winfried Schäfer. C`est aussi au milieu de ce Waterloo que le Portugais Artur Jorge arrive. Tout ce qui précède confirme notre constat de départ : les Lions sombrent toujours au lendemain de leurs brillantes prestations. Qu`est-ce qui peut expliquer ce phénomène itératif ? Comment les anciennes crises ont-elles été résorbées ? Telles sont quelques-unes des questions qu`il nous semble utile d`aborder à présent.
Nous attribuerons d`emblée les défaites des Lions après chacun de leurs sacres à la longue récréance dans laquelle ils sombrent chaque fois qu`ils ont remporté une grande victoire. En effet, le risque est grand de s`embourgeoiser après toutes les fêtes et exhibitions et autres gâteries dont ils deviennent souvent prisonniers. Forcément, la motivation pour le ballon, du moins dans l`immédiat, baisse. Il me revient à l`esprit un incident que j`ai frôlé avec le Docteur Abega au sommet de la gloire en 1981, quelques jours après le sacre de Canon à Kinshasa. J`ai eu l`impertinence d`envisager la nécessité d`une nouvelle victoire de l`équipe de Nkolndongo à l`édition suivante. L`homme est immédiatement sorti de ses gonds. Heureusement, il
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s`est vite maîtrisé avant de demander que nous changions de sujet. J`ai vite compris. Le guerrier ne demandait qu`une chose : se reposer. Ce n`était pas le moment de lui parler de compétition.
Tout au plus, il fallait l`aider à digérer sa gloire présente, et à se nourrir de souvenirs. Mais quelques semaines après notre entrevue, le Canon redescendait dans l`arène pour affronter l`Asec d`Abidjan. Personne n`a reconnu les héros de Kinshasa, dominés des pieds à la tête par les jeunes Ivoiriens : (0-0). Au retour à Abidjan deux semaines plus tard les canonniers étaient déclassés (1-3). J`ai compris ce que l`absence de motivation, la fatigue et surtout la gestion de la gloire peuvent causer chez un champion. J`ai aussi compris qu`avec trop de victoires, les sportifs arrivent à se lasser et à ne plus avoir faim. Et s`il faut qu`ils aient encore un tout petit faim, c`est d`autre chose. Abega avait déjà tout gagné en Afrique au niveau des clubs : coupe des clubs champions (1978)4, coupe des vainqueurs de coupes (1979), coupe des clubs champions encore en 1980.
Quant à la coupe du monde qui lui manquait, on a vu avec quelque hargne il l`a abordée. Pareil pour la Coupe des nations. Il fut sacré meilleur joueur de l`édition de 1984 à Abidjan. Cet exemple du docteur Abega peut être appliqué à l`ensemble des joueurs camerounais, auxquels il pousse des ailes, quand ils abordent une compétition pour la première fois. Comment expliquer qu`à quelques exceptions près le Cameroun ait remporté la première édition des compétitions sportives auxquelles il a pris part: Oryx (coupe d`Afrique des clubs champions) Tonnerre de Yaoundé (1ere édition de la coupe
d`Afrique des vainqueurs de coupe), Bamboutos de Mbouda, 1 ere édition de la coupe des clubs de la Cemac. Quant aux lions, ils ont remporté les premiers trophées des jeux d`Afrique Centrale, de la coupe Afro-asiatique devenue plus tard la coupe des Confédérations, et de la coupe de la Cemac.
Que dire du Canon de Yaoundé, vainqueur de la coupe d`Afrique des clubs champions en 1978, et qui refuse de défendre son titre l`année suivante, pour aller plutôt s`attaquer à la coupe des vainqueurs de coupes qu`il n`avait jamais remportée ? Nous savons qu`une fois cette coupe remportée, l`équipe de Nkolndongo a fait le mouvement inverse en 1980. Elle n`a plus défendu son trophée des vainqueurs de coupes. Elle est plutôt rentrée disputer la coupe des clubs champions. Ainsi, les Camerounais aiment les défis. Pour les braver, il faut qu`ils soient motivés. A la coupe du monde de 1982, les lions avaient tout à prouver. On a vu comment ils ont relevé le défi. Après la campagne espagnole, certains joueurs ont failli mettre un terme à leur carrière. Il a fallu qu`ils se rappellent qu`ils n`avaient jamais remporté la Can. Et la suivante avait lieu deux ans après l`Espagne.
Ils en feront leur affaire personnelle. La Can gagnée, il ne fallait plus rien leur demander. Ils pouvaient tirer la révérence. Preuve, sur les 22 lions d`Abidjan, 12 seulement étaient à la Can de1986 au Caire. En 1988 au Maroc, on ne retrouve que 4 champions d`Afrique (Milla, Bell, Kunde, Songo`o). Les autres, 19, sont des jeunes, qui ont besoin de leur coupe d`Afrique. Parmi eux, 7 ont vu le trophée leur glisser entre les doigts lors de la finale de 1986. C`est donc un groupe hyper motivé qui a pris part à la Can marocaine. La Can remportée les joueurs ont une nouvelle fois failli sombrer dans le repos du guerrier. Heureusement, ils se sont rappelé que parmi eux, quatre seulement avaient déjà pris part à une coupe du monde (Kundé, Nkono, Bell et Milla) une fois de plus la motivation est revenue Si l`on s`appuie sur cette logique, on comprend qu`une fois leur rêve réalisé, (disputer une coupe du monde et quelle coupe du monde!) les lions aient eu de nouveau envie de dormir sur leurs lauriers.
Et ce sommeil fut long. Il dura dix ans. En 2000, il n`y avait plus un seul mondialiste de 1990 dans cette équipe, encore moins un champion d`Afrique. La prestation des jeunes lions fut celle des fauves affamés et avides de remporter leur Can. Plusieurs fois, l`histoire s`est répétée, et les mêmes causes ont produit les mêmes effets.
Après la cause liée à la baisse de motivation des Lions au lendemain de leurs victoires, nous pouvons également relever une constante remarquable : plusieurs fois le Cameroun s`est retrouvé sans entraîneur après une victoire. Jean Vincent a fait ses valises après la coupe du monde d`Espagne. Claude Leroy n`a pas renouvelé son contrat après la victoire au Maroc en 1988. Il en est de même de Valéry Nepomniachi après le Mondiale italien de 1990. Pierre Lechantre a été remplacé par Jean-Paul Akono alors qu`il était entrain d`atteindre son apothéose avec l`équipe nationale. Que dire des entraîneurs restés à la tête des lions après les grandes victoires, sinon que pour la plupart ils avaient déjà l`esprit ailleurs, certainement à la recherche d`un ailleurs ou ils pouvaient relever d`autres défis avec la carte de visite qu`ils avaient enrichie au Cameroun.
Au total donc, les crises et baisses de régime du football camerounais sont cycliques.
Leur durée est variable. Elle dépend de la qualité des stratégies et moyens mis en œuvre pour les résorber ; trois thérapies ont fait leurs preuves par le passé. Il y a celle qui a toujours consisté à miroiter les échéances plus qualifiantes et plus glorieuses aux joueurs de l`équipe nationale. Cette forme de motivation à chaque fois eu raison de-la désinvolture et de la lassitude des joueurs. Il s`agit ici de valoriser par exemple le plaisir et la gloire d`une participation à la coupe du monde pour convaincre ceux des lions encore valeureux qui veulent tirer la révérence après une Can victorieuse.
Il y a souvent eu ensuite l`intégration massive de jeunes joueurs dans l`équipe.
• 1983 : Djonkep, Ebongue, Toube, Songo’o deviennent les pièces essentielles du groupe
• 1985 : arrivée d`une nouvelle génération de joueurs de talent: Mbouh Mbouh, Kana Biyick, Omem Biyick, Ndip Akem, Oumarou etc.
• 1989 : Agbo Hans, Pagal, Onana Jules, Ewane Jacob, Mbella Ngom
• 1993 : Marc Vivien Foe, Song Bahamack, Kalla Nkongo, Mboma Patrick, Embe David, Wome Pierre, Alioum Boukar
• 2001 : Idriss Carlos Kaméni, Djemba Djemba, Tchato Bill, Ngom Kome etc.
Comme solution l`on a aussi souvent noté la nomination d`entraîneurs plus motivés et à la recherche d`une carte de visite.
• 1982 : Rade Ognanovic
• 1985 : Claude Leroy
• 1989 : Valery Nepomniachi
• 1990 : Philippe Redon
• 2001 : Wilfried Schafer
A quelques exceptions près, tous ces techniciens ont permis au football camerounais de rebondir et d`écrire les plus belles pages de son histoire.
Nous ne doutons point que Artur Jorge qui prend la relève de schäfer en plein Waterloo fera triompher cette logique.
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