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INTERVIEW DE JOSEPH ANTOINE BELL EFFECTUE PAR CAMEROUNLINK.COM et CAMLIONS.COM (03.03.2003)
De passage aux Etats-Unis pour un bref séjour, l’ex célèbre gardien de but camerounais, Joseph Antoine Bell a bien voulu nous accorder un entretien ou il s’est étalé sur l’avenir du sport au Cameroun et des lions indomptables en particulier, sans oublier la récente polémique dont il a fait l’objet au Cameroun a l’occasion des célébrations des 70 ans du Président Biya.
Joseph, c’est un réel plaisir de vous rencontrer à Washington. Pourriez vous nous dire pourquoi vous êtes ici ?
Très simplement, je suis dans la région pour des raisons familiales.
Les lions indomptables il y a quelques jours ont subi une lourde défaite face aux Ivoiriens. Pensez-vous que cela soit une bonne chose ?
Non, une bonne chose je ne sais pas. Une défaite n’est pas toujours en soit totalement négative. Non …je crois que le mal est plus profond que ça ! Je ne sais pas. Peut être que je vais trop loin dans ma manière de voir. Bon je suis quand même différent du supporter de base et je vois plus loin. Ce dernier est fâche parce que les Lions Indomptables ont perdu par un score de 3 buts a 0. Il faut d’ailleurs reconnaître que nous avons quelque peu été surpris par le manque de sanctions conséquentes suite a la sortie prématurée des Lions lors de la dernière coupe du monde. D’aucuns auraient prédit à l’avance qu’il allait y avoir des sanctions aussi bien à l’encontre des dirigeants qui n’auront pas été à la hauteur de l’encadrement, que de la part des joueurs qui auraient été indisciplines. Mais rien de cela n’est arrive jusqu´à maintenant.
Sans vous interrompre justement et abordant dans le même sens, un sondage effectue dans le site www.camlions.com a montre que la majorité des internautes après l’élimination inattendue et précoce des Lions Indomptables a la coupe du Monde 2002, s’attendaient aussi a des sanctions sévères.
Pour analyser ce qui nous est arrivé, je préfère m’appuyer que sur ce qu’on dit et ce qu’on a fait. Quand on annonce à la fin de la Coupe du monde que les joueurs étaient indisciplinés, je veux bien l’entendre, mais si les joueurs étaient indisciplines et qu’on ne nous le dise qu’a la fin de la compétition, vous conviendriez avec moi que ça veut dire qu’il y a au moins deux fautifs ; les joueurs étaient indisciplinés et les dirigeants incapables de prendre des décisions susceptibles de contrer cette attitude. Or après la compétition le ministre et son entourage se sont acharnes plutôt sur les joueurs. Il a été décide que certains joueurs ne viendraient plus en équipe nationale. Et dans le même temps, du côté des dirigeants et des encadreurs, tout est reste absolument en place. Je pense qu’il y a là forcement une incohérence. Si les joueurs sont indisciplinés, on doit le constater par le nombre de joueurs sanctionnés au moment même où leur indiscipline est constatée. A ce moment là, on peut à la fin de la compétition commenter l’indiscipline des joueurs. Mais si à la fin de la compétition on nous parle de l’indiscipline des joueurs, alors, il y a forcément laxisme de la part de l‘encadrement. Pour ma part je pense que l’on doit tenir pour premier responsable le laxisme de l’encadrement qui a fait que l’indiscipline puisse exister pendant toute la compétition. L’indiscipline quelquefois est le résultat de la complaisance avec laquelle les gens sont gérés.
Quelle responsabilité attribuez vous a l’entraîneur ?
C’est forcément le premier responsable. Vous savez, il y a plus grave en ce qui concerne l’entraîneur. Il a déclaré après la coupe du monde qu’on avait privé son équipe d’un joli parcours en coupe du monde et que ses joueurs et lui attendaient cette compétition mais qu’on ne leur a pas donné les moyens. Je trouve cette défense grotesque. J’aurai préféré qu’il nous annonce avant la compétition qu’il n’avait pas eu les moyens de la préparer sereinement ou qu’il nous annonce pendant la préparation qu’il lui manquait certains moyens pour que sa préparation soit au bon fixe; ou alors, qu’il revendique ces moyens si ces moyens lui semblaient indispensables pour l’obtention de bons résultats. Mais vous ne pouvez pas nous annoncer tous les jours que tout va bien, qu’il n’y a pas de soucis pour découvrir par la suite qu’en fait tous les moyens n’étaient pas réunis pour faire une bonne compétition. Donc je pense que l’entraîneur a mon avis s’est totalement disqualifié avec de telles déclarations et malheureusement sa reconduction tend à montrer que d’autres se sont disqualifiés avec lui.
Cela dit, tout le monde constate que les joueurs camerounais a l’extérieur se comportent plutôt bien. Ils sont parmi les meilleurs dans les championnats étrangers. Ils sont productifs et cela n’est plus à prouver. Est-ce donc à dire que la responsabilité incombe entièrement à l’encadrement ?
Entièrement non ! Je pense qu’il y a certainement d‘autres responsables. Mais la première responsabilité vient d’abord de l’encadrement. C’est-à-dire que si vous instaurez une certaine discipline et estimez que certains manquements sont rédhibitoires, alors vous devez vous arrêter tout de suite au lieu de continuer. Vous devez connaître votre métier ! On sait très bien qu’au football ce qu’une équipe doit faire c’est mettre toutes les chances de son côté afin de pas avoir de regret. Or là, qu’est-ce que le Cameroun fait depuis ces dernières années ? C’est avoir des regrets tout le temps, ça veut dire que le travail de base n’a pas été fait. Pour cette raison, je ne peux critiquer les joueurs sur leur manière d’évoluer ponctuellement. Par exemple lors de cette coupe du monde, est-ce que toutes les conditions idéales ont été mises à la disposition des joueurs pour faire la compétition ? Ca c’est la responsabilité de l’entraîneur. C’est lui qui sait si ses joueurs sont dans des conditions telles qu’ils peuvent récupérer ; si ses joueurs sont dans des conditions telles qu’ils peuvent se donner à 100% à l’entraînement, si ses joueurs sont dans des conditions telles que justement ils ont les moyens de s’entraîner correctement et ainsi de suite. Tant que vous nous assurez que c’est le cas. Maintenant je trouve grave que ce soit seulement après l’élimination qu’on vienne nous informer que les conditions n ‘étaient pas réunies. Les joueurs ce que je leur reproche c’est notamment l’attitude de leur capitaine qui n’a pas arrêté de nous annoncer que tout allait bien. Même quand il y a eu cette petite friction a Paris, il a par la suite déclaré que tout était rentré dans l’ordre, qu’il n’y avait pas de soucis, ils allaient donner le meilleur d’eux même, ils allaient gagner la coupe du monde. Bon je pense que c’est un peu trop de légèreté, on a quand même plus de 13 millions de supporters derrière, sans compter tous les autres sympathisants des Lions Indomptables. On leur doit la vérité avant et non après. La vérité quand vous la dite après vous devez vous justifier. Je trouve que le Cameroun a véritablement raté une très belle opportunité dans la mesure où ce qui a changé depuis plusieurs années c’est qu’aujourd’hui le président de la république lui-même se déclare supporter et il reste très proche des Lions. Ca veut dire qu’il n’est pas indifférent à ce qui pourrait leur arriver.
Présenter donc des doléances avant la compétition pour dire : pour que nous puissions nous comporter d’une manière digne, il faut ceci ou surtout il nous manque ceci ; je crois fortement que le premier supporter des Lions se serait fait le plaisir de les mettre dans les meilleures conditions possibles. Encore fallait-il définir ces conditions ou dans tous les cas mettre le doigt sur l’absence de ces conditions.
Vous ne vous êtes pas contenté de faire des remarques dans le passé. Vous avez été candidat malheureux a la présidence de la Fédération camerounaise de Football (FECAFOOT). Seriez vous prêts a renouveler l’expérience ?
Je pense que chaque chose a son temps. Je ne saurai pas dire non, et je ne saurai pas dire oui aujourd’hui.
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On est loin d’une élection et surtout, quand on s’engage dans une compétition, on y va pour la gagner. Si on pense qu’on ne peut pas gagner, on le dit à l’avance. Donc savoir si je peux gagner une élection a la FECAFOOT, je ne peux pas le savoir maintenant. Je serai mauvais joueur en annonçant que rien ne bouge et pour ça je vais me représenter à la prochaine opportunité. Donc je ne sais pas, mais toujours est-il que pour que je me présente, il faut que je sois sûr qu’il y a une chance que je sois élu. Maintenant si tout le monde dit que tout va bien, je n’ai aucune raison de me présenter.
Le football camerounais et le sport au Cameroun en général, souffrent cruellement d’infrastructure. Est-ce que cela tout seul expliquerait pourquoi malgré tout le renom que le Cameroun a en ce moment, nous n’ayons pas encore présenté une candidature à l’organisation d’une Coupe des nations depuis 1972 ?
Je ne sais pas si les infrastructures précèdent la conception d’une offre de candidature ou si c’est l’inverse. Mon point de vue est que une candidature à une grande compétition est généralement une association entre le monde sportif et le monde politique. Mon avis est que c’est le sportif qui doit précéder. C ‘est lui qui doit avoir envie, c’est le sportif doit concevoir le projet et solliciter le concours et l’appui du politique pour présenter une candidature qui ira au bout. Or, je ne suis pas sûr que ceux qui s’occupent du sport en général et du football en particulier réfléchissent dans ce sens. Je sais que chez nous, beaucoup de choses finissent par le chef de l’Etat.
Me basant sur cette remarque il me semble bien difficile de croire que le chef de l’Etat du Cameroun avec tout ce qu’il y à faire, et tout ce à quoi il doit penser puisse se réveiller en disant : « Mais ah ! Il y a la Coupe d’Afrique des nations le 23 janvier 2008 et il faudrait qu’on soit candidat ». Cela m’étonnerait beaucoup. De la même manière que même pour la coupe du monde le chef de l’Etat se réveille en disant : « Ah ! Mais en 2010 la coupe du monde aura lieu en Afrique il faudra qu’on présente une candidature ».
Donc je pense qu’il est bien commode chez nous de pouvoir toujours jeter la pierre à l’autre, que de dire que le chef de l’Etat n’a pas fait ceci, le chef de l’état n’a pas fait cela. Bon je ne peux pas aller plus loin puisque je n’ai jamais été aux affaires, mais il me semble qu’en ce qui nous concerne c’est le rôle des dirigeants sportifs de concocter un projet de candidature.
Je ne pense pas que l’absence d’infrastructure fait en sorte que nous n’ayons organisé aucune compétition. La coupe d’Afrique de 1972 nous a été accordée au moment ou nous n’avions pas les stades. Les stades ça se construit. Maintenant le problème des infrastructures en lui-même se pose au Cameroun. C’est-à-dire qu’il me semble qu’à ce jour, nous n’avons pas des infrastructures dignes de ce nom, même pour le sport local. Les infrastructures telles qu’elles sont évidement ne peuvent pas soutenir une candidature internationale. Même a l’échelle nationale je pense que nous commençons à être à l’étroit depuis un moment et il est grand temps de revoir les infrastructures. J’ai eu la chance d’entendre le Président de la République dire lui-même dans un discours que concernant les infrastructures, il allait falloir réhabiliter les anciennes et construire de nouvelles. Je ne peux qu’être d’accord avec lui. Quand j’étais candidat a la présidence de la FECAFOOT en 1997 j’avais déjà dis cela !
Il se pose de sérieux problèmes actuellement avec l’exode massif des footballeurs camerounais pour l’étranger au détriment du football local. Le plus souvent dans de mauvaises conditions. La FECAFOOT s’en plaint d’ailleurs. Qu’en pensez-vous ?
La FECAFOOT n’en parle pas de manière responsable. Les joueurs émigrés subissent un entraînement très poussé à l’extérieur, et bénéficient des infrastructures des pays étrangers. Je crois que s’exprimer de la sorte c’est absolument n’avoir rien compris. Pourquoi voulez-vous que des étudiants soient aux USA et que des footballeurs ne soient pas en Espagne ou en France ? S’exprimer de la sorte c’est faire preuve de mesquinerie ou d’ignorance. La FECAFOOT ne peut pas poser cela comme un problème d’autant plus qu’elle est responsable de l’équipe nationale. Or l’équipe nationale, il ne lui manque aucun joueur. Au contraire elle récupère des joueurs améliorés ; et améliorés par le travail d’autres fédérations.
Donc de quoi la fédération se plaindrait-elle ? Non je pense en revanche que ceux qui peuvent se plaindre ce sont les clubs. Et ils devraient se plaindre de qui ? Je pense que la fédération peut se plaindre des joueurs partent, et c’est là qu’il faut peut-être préciser les choses. Les joueurs partent parce qu’ils vont chercher mieux ailleurs. Par rapport aux Lions Indomptables, la fédération ne peut pas plaindre. Les clubs au contraire sont en droit de se plaindre parce qu’il y a des joueurs de second rang qui partent et qui malheureusement ne réussissent pas a l’étranger, tout comme certains de nos étudiants. En ce concerne le football, il y a des garçons qui partent, qui n’ont pas le niveau pour jouer de manière viable a l’étranger mais qui du simple fait de leur départ sont perdus pour le Cameroun, et ne sont pas gagnés par l’étranger. Mais ils auraient malgré tout fait le bonheur de notre championnat et de nos spectateurs. Ils ont le niveau intermédiaire entre ceux qui sont partis et qui ont le niveau de l’équipe nationale et des clubs professionnels et ceux qui jouent au Cameroun, qui n’ont pas le niveau international et qui n’ont quelque fois pas tout simplement le niveau pour intéresser le public local. Et c’est là que je pense qu’il y a de la place pour un travail plus sérieux, plus concret de la part de la fédération pour arriver à récupérer ces garçons là. Mais c’est un travail d’abord psychologique. Ces garçons qui partent c’est parce qu’ils ne connaissent pas ou ils partent et surtout parce que rien ne leur est proposé sur place. La qualité du championnat qui leur est proposé sur place ne les excite pas du tout et ils ont l’impression d’être en enfer. Donc ils partent au risque de tout, sans même demander où ils vont.
Quel avenir voyez-vous pour les Lions Indomptables et le football camerounais en général ?
Les Lions Indomptables dans un premier temps avaient leur avenir assuré au moins au niveau de l’effectif, mais on ne peut pas toujours vivre à un haut niveau en étant coupé de sa base. Or c’est ce qui leur arrive. C’est-à-dire que vous ne pouvez pas rester longtemps compétitif si le championnat que vous êtes sensé représenter « n’existe pas » ou, s’il est trop bas. Le championnat du Cameroun est trop bas pour les Lions par rapport aux joueurs qui jouent à l’étranger. Comme nous n’avons pas su développer localement notre sport de manière à ce que nous puissions nous accrocher aux Lions qui sont plus haut, et bien malheureusement ce sont les Lions de la haut qui dégringolent et qui vont nous retrouver plus bas. C’est comme ça que je vois la chose. Il me semble que c’est l’objectif qu’aurai du se fixer la fédération au lieu de toujours rabâcher les victoires des Lions… Vous voyez c’est un peu çà, la mesquinerie politicienne qui consiste à revendiquer les victoires des Lions et a rejeter les défaites sur les joueurs uniquement. Quand les Lions gagnaient, la fédération prétendait que c’était elle ! Et puis quand ils perdent, on vire les joueurs qui deviennent subitement vieux ou indisciplinés ou alors trop riches ; on leur trouve tous les défauts.
NB : La seconde partie de cet entretien sera diffusé le 5 Mars 2003.
Si vous souhaitez entrer en contact avec Bell, envoyez un email à l´ adresse: bellantoine@camerounlink.com
ou envoyez lui votre message sur son site affilié à camerounlink(Axe >> Cameroun / personnalites )
Propos receuillis par:
CAMEROUNLINK.COM et CAMLIONS.COM
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