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Songmbengue: Centre commercial des «Babimbi» (28.06.2005)
Brice R. Mbodiam
Deux fois par mois, le village natal de Samuel Eto’o accueille des commerçants venus de tous les horizons.
Le stade de foot de Songmbengue ferait pâlir d`envie les joueurs du championnat camerounais de première division, habitués à l`aire de jeu poussiéreuse du stade militaire de Yaoundé. C`est sur ce terrain gazonné, «reglementaire avec des poteaux aux normes», tient à préciser Sa majesté Stéphane Ond, le chef du village, que Samuel Eto`o Fils, attaquant des Lions indomptables du Cameroun et du Fc Barcelone, en Espagne, a achevé sa visite à Songmbengue, le village de ses géniteurs. Il y a présidé la finale d’un tournoi de football, qu’il a lui-même sponsorisé. C`était le 22 juin dernier. Un evènement qu`une banderole hissée à la lisière du pont sur la Sanaga annonçait comme «sensationnel, [comme] une grande première dans l`histoire de Songmbengue», village situé dans l`arrondissement de Ngambé, département de la Sanaga-maritime. Plus précisément dans le District de Massock-Songloulou.
Histoire dont l`une des pages les plus importantes, jusqu`à nos jours, continue de s`écrire autour du marché du coin, qui accueille de nombreux commerçants, deux fois tous les mois. «Le grand marché a généralement lieu le 15 et à la fin de chaque mois. Celui-ci attire, depuis plusieurs années, beaucoup de commerçants en provenance aussi bien des villages voisins que des villes. Mais, il y a un autre marché tous les samedis», confie Sa majesté Stéphane Ond, qui se plaît a rappeller que son village «est la porte d`entrée chez les Babimbi [Famille de l`éthnie Bassa, que l`on retrouve principalement dans les arrondissements de Ngambé et Ndom, département de la Sanaga-maritime]».
Grâce à ses cultures vivrières que sont principalement le manioc et le macabo, cultivés par la majorité des habitants de ce village de 1.500 âmes, Songmbengue est un véritable El dorado pour «les bayam sallam» des marchés d`Edéa, Douala, voire Yaoundé. Depuis quelques années, la culture de l`Okok, plante encore connue sous le nom de «Eru» dans la partie anglophone du Cameroun, est venue se greffer aux potentialités agricoles de ce village. «Il y a une dizaine de nigérians qui exploitent cette plante ici. Leur marché a lieu trois fois par semaine», affirme le chef.
Ces feuilles vertes parties de Songmbengue, indique-t-on, échouent souvent dans les plats des restaurants et autres tourne-dos des provinces du Sud-ouest et du Nord-ouest. Quand elles ne traversent pas la frontière camerounaise, par pirogue, pour faire le bonheur des fins gourmets du Nigeria voisin. Un pays dont plusieurs ressortissants, ainsi que des Mauritaniens très présents dans le secteur de la pêche sur la Sanaga, se sont établis à Songmbengue depuis des lustres. Idem pour des centaines de commerçants originaires du grand Nord et de la province de l`Ouest.
Epilepsie
Ces différentes nationalités et autres composantes ethniques du Cameroun partagent la même école primaire et le collège d`enseignement secondaire du coin, qui accueille chaque année près de 400 élèves. Une cohabitation pacifique rendue possible grâce à l`hospitalité des «Ndog-ndjé», les autochtones de Songmbengue. Eux qui, apprend-on, n`avaient pas, à l`époque, apprécié qu`un allogène soit nommé chef de 3ème degré sur leur territoire. «Le chef Dikongué n`avait pas d`aura auprès des autochtones, qui se rebellaient tout le temps. C`est la raison pour laquelle, depuis 1962, l`administration a décidé de créer une 2ème chefferie. En plus, afin de faciliter la collecte des impôts sur le territoire qui est assez vaste, une 3ème chefferie sera créée un peu plus tard», explique Stéphane Ond, qui précise alors qu`il est chef de Songmbengue Mahop, qui regroupe les allogènes.
Avec ses collègues, il est chargé du règlement des conflits qui naissent entre différents administrés. «Il ne s`agit pas de grand chose. 90% des différends tournent autour de la destruction des plantes par les animaux». Ici, l`on se plaît à rappeller que
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la pratique de la sorcellerie a été renvoyée aux calendes grecques depuis des lustres. «A mon arrivée , on m`a signalé quelques cas. Il s`agissait notamment de personnes accusées de lancer l`épilepsie aux gens. Mais, depuis ma prise de fonction, je n`en ai plus entendu parler», déclare Jean-Claude Ella, chef du District de Massock-Songloulou. En l`absence d`un commissariat de police, la brigade de gendarmerie s`occupe de ce que le chef du District appelle «des cas sporadiques de grand banditisme».
Au demeurant, si les populations de ce village qui s`étend sur 874 Km2 peuvent dormir sur leurs deux oreilles, envoyer leurs enfants à l`école, se soigner grâce au centre de santé du coin, jouir des bienfaits de l`électricité depuis les années 80, l`accès à l`eau demeure problématique. En effet, se souvient sa Majesté Ond, «le château d`eau qui alimentait le village est tombé en panne en 1989. Mais, grâce à la coopération allemande, à l`élite du village et aux populations, des puits ont été construits, à partir de 1995, un peu partout dans le village».
Des points d`eau soupçonnés de propager des maladies hydriques. Aussi, la principale doléance formulée par les jeunes de Songmbengue le 22 juin dernier, à l`occasion de la visite de leur «frère» Samuel Eto`o Fils, était de voir le village bénéficier d`un projet d`adduction d`eau potable. Une requête à laquelle l`attaquant des Lions indomptables a promis de donner une suite favorable dès le mois de décembre prochain.
Upc
Mais, après l`eau, les jeunes de Songmbengue continuerons de réclamer du travail. Car, a en croire les habitants, le principal fléau de ce village reste le chômage. Un phénomène qui ne cesse de prendre de l`ampleur dans cette contrée à cause, croit savoir le chef de Songmbengue Mahop, du manque de dynamisme de ses jeunes frères. «Ils sont très paresseux. C`est vrai qu`ils sont de temps en temps recrutés dans des chantiers. Mais, en dehors de cela, ils passent le clair de leur temps à consommer de l`alcool et certains stupéfiants», affirme-t-il.
Ces pratiques reconnues aux jeunes de songmbengue n`ont d`égal que l`attachement des populations de ce village, toutes tranches d`âges confondues, à l`Union des populations du Cameroun (Upc), dont tout le monde s`accorde ici à reconnaître qu`elle est le parti dominant dans le coin. Même si, paradoxalement, la figure politique la plus en vue ici, Genéviève Tjoues en l`occurence, est membre du bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Malgré le fait que ce parti politique est majoritaire sur l`ensemble du District de Massock-Songloulou, le chef Ond soutient que dans son village, «on vote toujours l`Upc».
Afin d`expliquer cette dévotion au parti du crabe, André Mbog Ngi, 75 ans, explique que «Songmbengue était un fief de l`Upc dès sa création. Um Nyobé, qui venait régulièrement rendre visite à ses amis tels que Pierre Bigla et Amos Tjoues, a présidé plusieurs réunions du parti dans ce village. Donc, nous sommes des militants de l`Upc parce que plusieurs de nos parents sont morts pour les causes que défendaient l`Upc».
Le vieillard, que l`on présente ici comme l`historien, ou encore l`encyclopédie du village, ajoute que «l`une des premières gouttes de sang versée pendant la repression des upécistes, a coulé à Songmbengue». Et de préciser: «c`était en 1955. Le représentant des colons ici [à Songmbengue], qui se prénommait Roland, avait donné l`ordre de tirer sur des manifestants qui avaient organisé une marche de protestation. Il y a eu deux morts».
C`est donc par devoir de mémoire, soutient-on à Songmbengue, que tous les habitants continuent de vouer un grand culte aux disciples du «Mpodol», le premier leader de l`Upc. Une attitude qui ne vaut pas toujours des lauriers au village. En effet, nombreux sont ceux qui pensent que, fort de ses atouts économiques, Songmbengue serait normalement le chef-lieu du District de Massock-Songloulou, s`il n`était pas «un village politiquement difficile».
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