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Les équipes nationales menacées * (23.03.2006)
© Source : lefigaro.fr
Abdelmajid Oulmers se trouve aujourd’hui au cœur d’une histoire qui risque de le dépasser bien vite. Comme Jean-Marc Bosman 11 ans plus tôt, l’affaire qui concerne ce milieu de terrain franco-marocain du Sporting Club de Charleroi pourrait bouleverser le monde du football. Les faits remontent au 17 novembre 2004. Oulmers, joueur de Charleroi, passé par Lens, Wasquehal et Amiens, se blesse lors d’un rassemblement de la sélection du Maroc avant un match face au Burkina Faso. Au total, il sera éloigné des terrains pendant 221 jours. 221 jours pendant lesquels le club belge continue de lui verser son salaire. Considérant que la situation n’est pas tenable, les dirigeants du club belge décident d’attaquer la FIFA, responsable selon eux du préjudice subi par leur club. Les règlements de l’instance dirigeante du football sont en effet clairs en ce qui concerne la mise à disposition des internationaux par les clubs : selon les articles 36 à 40 du règlement de la FIFA, un club, même contre sa volonté, est obligé de libérer un joueur international, n’a droit à aucune indemnité financière en contrepartie et est seul responsable pour la prise des polices d`assurance.
Très vite, le G14, regroupement de 18 (les 14 de la fondation en 2000 plus 4 nouveaux arrivés en 2002) des clubs les plus riches et les plus puissants d’Europe, flaire le bon coup et décide de soutenir l’action de Charleroi. Objectif masqué : déclarer les règlements de la FIFA contraires au droit européen et obtenir des dédommagements pour la mise à disposition des internationaux. Depuis, l’affaire a pris de l’ampleur et en France, Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, a récemment assigné en justice la FIFA pour «abus de position dominante lié à la réglementation imposant aux clubs de mettre leurs joueurs à disposition des équipes nationales, sans indemnités, ni prise en charge des assurances.» Une décision prise après la blessure d’Eric Abidal lors du déplacement de l’équipe de France en Martinique pour y affronter le Costa Rica en novembre dernier. Comme ses homologues belges dans l’affaire Oulmers, le président lyonnais réclame réparation à hauteur d’1,017 millions d’euros pour le préjudice financier et 1 euro symbolique au titre du préjudice sportif.
Le G14 très gourmand
Après plusieurs mois durant lesquels chaque partie a pu constituer son dossier, le tribunal de commerce de Charleroi a entendu les plaidoiries des deux camps ce lundi. Et très vite, l’affaire a dépassé le strict cadre de Charleroi et de son joueur. Certes, l’avocat du club belge a été le premier à prendre la parole, réclamant 2 millions d’euros à la FIFA en dédommagement du préjudice subi par le Sporting (les salaires versés, l’indisponibilité du joueur, les frais médicaux et de rééducation plus le fait qu’Oulmers n’ait pas recouvré
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l’intégralité de ses moyens), mais le représentant légal du G14 s’est empressé de lui emboîter le pas. Me Dupont, c’est de lui qu’il s’agit, s’est alors lancé dans une virulente charge contre la FIFA réclamant la bagatelle de 860,4 millions d’euros (!) pour couvrir les préjudices subis lors des dix dernières années par les plus grands clubs européens. L’instance dirigeante du football mondial, soutenue dans cette affaire par l’UEFA et les confédérations africaine, sud-américaine, asiatique et océanienne, a tenté de réagir et ses avocats ont plaidé l’irrecevabilité de la plainte de Charleroi, arguant du fait que la FIFA est une association à but philanthropique qui ne peut donc être jugée par un tribunal de commerce. Le jugement a été mis en délibéré et le verdict devrait être rendu avant l’été, vraisemblablement avant le coup d’envoi de la Coupe du Monde.
L’enjeu est énorme. Car si la décision rendue donnait raison à Charleroi et lui octroyait des indemnités, ce serait la mort annoncée du football de sélection. Le verdict de l’affaire Oulmers pourrait alors faire jurisprudence au même titre que l’avait fait l’arrêt Bosman dans le cadre de la libre circulation des joueurs en Europe après 1995 et chaque club serait en droit de demander à être indemnisé à chaque fois qu’il libère des internationaux. Les Fédérations devraient donc prendre en charge le salaire des joueurs pendant leur temps de présence en sélection, les primes d’assurance et les éventuels frais médicaux liés à une blessure grave. Autant dire que les Fédérations les plus pauvres ne seraient pas près de pouvoir aligner leurs meilleurs éléments. Le Cameroun aurait-il les moyens de faire venir Samuel Eto’o sous le maillot des Lions Indomptables ? Plus largement, l’ensemble des fédérations africaines, sud-américaines ou même d’Europe de l’Est (l’Ukraine pour Shevchenko, la Biélorussie pour Hleb par exemple) pourraient-elles payer aux clubs propriétaires des joueurs les salaires que ces derniers leur versent tout au long de l’année ? Et même parmi les grandes nations du football, les sommes en jeu seraient tellement considérables que les Fédérations ne pourraient pas payer. La FFF trouverait-elle les 180 000 euros hebdomadaires qu’Arsenal a proposé à Henry pour les cinq prochaines saisons pour pouvoir voir le buteur des Gunners enfiler le maillot bleu ? Rien n’est moins sûr. Les matches internationaux ne rimeraient donc plus à rien puisque les meilleurs joueurs du monde, à moins de payer eux-mêmes de leur poche les assurances nécessaires, ne les disputeraient plus. La Ligue des Champions, que les clubs du G14 veulent voir prendre plus d’importance en réclamant plus de matches, serait donc la dernière grande vitrine du football mondial. Le G14 aurait gagné son bras de fer avec la FIFA. Mais le football y aurait beaucoup perdu…
* le titre est de camlions.com
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